mardi 6 avril 2021

vestiges

 vestiges dans la cave 

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Description initiale 6 avril 2021 :

Dans l'une des caves de l'édifice, il y a une étrange substruction qui part de l'un des coins et s'étend vers le centre de la pièce. Elle apparait a environ 30 cm sous le niveau du sol moderne de la pièce contiguë et descend jusqu'à  -1m environ

A première vue, et sans certitude, peut-être un dispositif hydraulique,  par exemple une citerne à deux réservoirs : recueil des eaux brutes dans la grande, puis filtrage au sable et recueil des eaux filtrées dans la petite, donnant peut-être une eau potable (pour l'époque).

La grande cavité à peu près circulaire diamètre 2.50 m.
La petite ellipsoidale (1.10 m x 0.90 m) dans l'axe diagonal face au coin NW
de la pièce.







La partie SW du grand cercle n'est pas visible car située sous un escalier maçonné plus moderne,  que je ne veux pas détruire, sinon je ne pourrai plus accéder à la seconde cave,
dont le sol est beaucoup plus élevé.

Les parois des deux forme arrondies sont  soigneusement enduites à la chaux.
Ce qui semble une petite margelle coiffée d'ardoises alignées  et soigneusement maçonnées 
dans le coin le plus proche de l'angle NW de la pièce, qui constituait peut-être
le point d'alimentation en eau (pluviale, infiltration ?)
Fond en carreaux de terre cuite disparu presque partout sauf à
la base des parois en peu d'endroits quand ils passent sous la maçonnerie, les carreaux entiers récupérables  ont dus être récupérés avant le comblement. 

Comblement par dépotoir, à dater (nombreux débris de céramiques, 
ossements divers, semelles de cuir, coquilles d'escargots et d'huitres plates, plâtras divers).
A la louche, je dirais que ce dépotoir-comblement date du XVIII e environ
ou peut-être début XIX e au plus tard. J'ai gardé quelques échantillons
(sauf ossements et semelles pourries, qui me répugnaient, machoires de porcs ou sangliers).

Ce qui est curieux ce sont ces excroissances qui rentrent à l'intérieur du grand
cercle approximativement réparties sur le pourtour tous les 90 degrés. 


Photo prise en vue plongeante du haut de l'escalier moderne



Complément du 12 mai 2021:


La structure à deux cercles n'est pas creusée dans le rocher (non atteint pour l'instant, en aucun point de cette cave), mais maçonnée par un appareil en pierre et mortier maigre et friable  à un seul parement (celui qui est enduit), puis enfoui. L'épaisseur de cette maçonnerie est assez faible (environ 40 cm)

Une vue prise après un peu de déblaiement supplémentaire:



Il semble y avoir dans le coin SW de la pièce une autre substructure qui ne paraît pas naturelle (à confirmer) : un quadrilatère maçonné d'environ 1m x 1m dont le remblai est très différent :une matière plus pulvérulente, plus blanche, et beaucoup plus pauvre en artefacts, que j'ai essayé de ne pas déranger et dont le fond n'a pas été atteint


Nouveau croquis du 12/05/2021 :



EPILOGUE:

L'archéologue est venu se rendre compte et a aussitôt trouvé la solution.
Il s'agit en fait des soubassement d'un pressoir du XIXème siècle, probablement un pressoir à vis. On sait qu'il y eut des tentatives de produire du vin de qualité à Foix vers cette époque. La grande partie circulaire avec des saillies permettant de s'opposer au couple de rotation, recevait le pressoir lui-même, tandis que la petite partie ellipsoïdale recevait les grandes bassines de bois avec deux poignées, où l'on recueillait le jus.

vendredi 22 janvier 2021

Un lampadaire à tablette

lampadaire à tablette art deco

Achat

 Acheté à Foix dans un élan d'enthousiasme pour l'originalité du design, ce lampadaire provient d'une demeure d'Ax-les-Thermes. Difficile de dire s'il est Arts Deco ou "Années 50", mais en tout cas ce design associant luminaire et tablette sur deux éléments séparés mais solidaires est rarissime, il m'a été jusqu'ici impossible d'en trouver des exemples similaires sur internet :

lampadaire à tablette art deco


Pour ce qui est des lampadaires à tablette, on trouve beaucoup plus fréquemment une architecture dans laquelle les tablettes sont fixées sur le fût du luminaire lui-même, soit de façon axiale, soit de façon légèrement déportée grâce à un bras. 

A l'achat, il manque toute la partie supérieure, l'état originel est donc une énigme : dispositif d'éclairage en verre ou simple abat-jour ? Deux éléments font pencher pour l'hypothèse d'un simple abat-jour: la bague sur la douille comme seul dispositif de serrage, et la faible solidité de la liaison entre le fût et la partie supérieure :



En effet, la douille n'est fixée au fût que par deux toutes petites vis (3 x 20) qui de plus prennent le bois "de bout" c'est à dire que les vis sont parallèles aux fibres du bois. Enfin, à cause de l'encombrement de la douille les deux vis se retrouvent à trois millimètres du bord extérieur du fût, avec donc un risque d'éclatement du bois en cas d'effort. Cette méthode de liaison  peu orthodoxe ne peut convenir que pour de faibles efforts, elle est incompatible avec une vasque en verre, bien trop lourde. Le programme envisagé étant précisément de coiffer ce luminaire d'un dispositif en verre pour l'éclairage, il faudra donc trouver une solution plus solide pour la liaison avec le fût.

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Choix de la vasque

Les trois possibilités envisagées initialement :

lampadaire à tablette art deco



Consulté, l'antiquaire n'a pas d'avis tranché, les trois formes peuvent convenir. La version III avec une vasque type "Mazda" ne me plaît pas beaucoup, car elle me donne un aspect trop étriqué en largeur, la plus grande vasque Mazda existante faisant 28 cm de diamètre au sommet (comme dessiné). Ensuite, entre un joli demi-globe dépoli et une vasque évasée je n'ai pas de préférence marquée, et je laisse donc le sort décider, selon ce que je trouverai. En définitive, la forme II en demi-globe s'avère peu courante. On trouve facilement des vasques de type I non percées en périphérie, mais colorées (rose, bleue,...) et nous tombons d'accord avec l'antiquaire que cela ne convient pas trop. Enfin, une vieille vasque me séduit à la brocante des Allées François Verdier. Très simple, sans aucun ornement, et très évasée, mais très grande (diamètre 50 cm). Le verre est légèrement moucheté, ce qui ne me plaît pas trop a priori, mais c'est très discret : finalement j'opte pour cette vasque. Ce choix entraîne la nécessité de retravailler esthétiquement la forme de la liaison entre le fût et la vasque. Pour les luminaires Art Deco, lorsque la vasque est très évasée en torchère, il y a très souvent une pièce métallique qui vient assouplir la morphologie de la transition entre le fût et la vasque, comme c'était d'ailleurs représenté dès l'esquisse (version I). Dans le cas présent, la nécessité vient également  du fait que le fût manque un peu de hauteur (145 cm), donc si on ne surélève pas la vasque, les ampoules seront visibles par le dessus. Enfin, dernier choix initial personnel : faire chromer au poli miroir les trois bagues en aluminium situées aux extrémités des fûts.

L'intention initiale était de dévernir puis re-vernir car le vernis gomme laque avait des rayures et des traces d'usure de-ci de-là. Mais en démontant chaque élément, il est apparu que le lampadaire était intégralement fabriqué en bois blanc, avec un décor d'imitation de palissandre, bien exécuté. Le dévernissage comportant un risque élevé d'endommager ce décor, et les accidents du vernis étant somme toute superficiels, je décide de simplement rénover le vernis. Un tampon à peine imprégné d'alcool, et une application vigoureuse de rénovateur pour vernis gomme laque donnent un résultat très satisfaisant.


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Fixation de la vasque

Pour la fixation de la partie supérieure sur le fût, après quelques tâtonnements exploratoires, il apparaît qu'une tige filetée creuse de diamètre 10.85 mm s'enfonce d'une bonne vingtaine de centimètres dans le perçage du fût, puis à partir de cette profondeur, demande à rentrer en force. C'est un hasard heureux car ce diamètre de tige filetée creuse (appelé "pas des becs") est le plus solide que l'on puisse trouver en lustrerie. Le filetage moderne en 10 x 1 mm pour les tiges creuses est un peu moins solide. Pour obtenir une fixation solide de la vasque sur le fût, il suffira donc d'enfoncer profondément la tige creuse dans le fût et ensuite de "tarauder" un peu l'intérieur du fût en vissant à force la tige à l'intérieur.  

Pour la pièce métallique de transition entre le fût et la vasque, l'idée qui me vient à l'esprit est d'utiliser une belle timbale respectant le style Art Deco. Après plusieurs achats au look plausible dans la même brocante de plein air, je choisis finalement celle qui a une rangée de larges striures vers le haut. Une seconde, devenue inutile, d'un diamètre un peu inférieur sert de flasque de serrage. Sur l'image suivante, le projet pour la fixation envisagée, d'une solidité à toute épreuve puisque la tige filetée pénètre très profondément dans le fût:




Il faut bien voir que ce qui fixe la vasque au fût, ce ne sont pas les six vis, mais le fait que la grosse tige filetée est assujettie et vissée à force dans le fût, et va chercher cette fixation à une grande profondeur. Les six vis servent à garantir la fixité du bas des timbales et ne sont qu'une sécurité supplémentaire en cas de traction du luminaire par la vasque.  Elles sont plus grandes (4 x 35) que les deux vis originelles (3 x 20), elles sont au nombre de six, et sont maintenant placées non plus en périphérie du fût mais bien au centre de l'épaisseur du bois de celui-ci.




 Il me semble qu'il ne faut pas prendre de risque avec cette étape de modification de la liaison mécanique, car une telle vasque est très lourde. Tout ceci mis bout à bout fait qu'il n'y a aucune crainte sur la robustesse de l'assemblage. C'est la timbale "intérieure" qui par serrage maintient la vasque solidaire de tout le reste.  La timbale "intérieure" est comprimée vers le bas grâce à la rondelle en bois située tout en haut, ajustée et de forme conique (une plaque métallique de même diamètre sera ensuite ajoutée au-dessus de la rondelle de bois, pour la finition, bien que cette partie soit en principe non visible).



Montage à blanc de la liaison métal/verre :




Pour l'électrification, afin de ne pas éblouir, le choix se porte sur trois ampoules fines, positionnées très bas vers le fond de la vasque:




Résultat final :




lampadaire à tablette art deco






dimanche 17 janvier 2021

Petites boîtes

Dans les brocantes, on trouve souvent des jolies boîtes à cigarettes ou cigares Art Deco, mais qui sont endommagées. Le dommage le plus courant est la charnière "piano" arrachée et la partie qui recevait la charnière fendue ou présentant des éclats, des manques. La raison est que la charnière est fixée par de très petites vis et ne résiste pas si le couvercle est soumis à un effort de pression vers le haut lorsqu'on referme la boîte en forçant dessus parce qu'elle est trop remplie (ou remplie avec des choses compressibles mais en trop grande quantité, comme une accumulation de papier pliées). En appuyant sur la face avant du couvercle pour fermer la boîte, on force sur la charnière à l'arrière et elle lâche. L'autre cause est quand on a trop forcé en ouverture, au-delà de la course autorisée, alors c'est la partie arrière de la boite qui lâche, sous cet effet d'arrachement. Détériorées, ces boîtes sont alors traités par le brocanteur comme du rebut, et mélangées avec les autres babioles dans des caisses où il faut fouiller. C'est d'autant plus regrettable que ces boîtes sont souvent d'une grande valeur esthétique au départ. Elles sont généralement en palissandre ou en ébène de Macassar, ou encore en loupe de diverses essences. Tous ces bois sont durs et résistent assez bien au mauvais traitements dans des caisses, et c'est généralement le vernis qui seul est endommagé. En définitive, le travail est souvent le même : réparer les fentes et les éclats du bois; rendre un fonctionnement fluide à la charnière un peu coincée ou tordue et la faire briller; remplacer les vis manquantes en laiton; enfin dé-vernir puis re-vernir. Tout ceci ne représente pas une grosse somme de travail, et ramener à la vie un bel objet tout simple comme celui-ci est toujours une satisfaction. Ces boîtes en mauvais état se vendent aux alentours de 15 à 25 euros.


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Boite restaurée en placage d'ébène de Macassar avec des incrustations de loupe.

Le fond de la boîte était juste un peu fendu au niveau de la charnière.


Boîte en cuir de pécari teinte cognac et poignée d'ouverture en laiton doré. 


Intérieur en cuir de chevreau noir. L'ouverture se fait par
une charnière à pivots invisible, d'une facture très soignée.
C'est le maroquinier "Longchamp" qui faisait ces boîtes. 



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Boîte en bois très sombre (palissandre teinté ou ébène
de Macassar sombre) avec incrustations de métal argenté.
Respect de la finition initiale à l'aspect "brut" (huile
d'amande douce avec quelques gouttes de térébenthine).


La boîte est entièrement en bois précieux massif.
Le prix d'achat n'était même pas au prix du bois...



Ici, il y avait à gauche un manque de bois, que j'ai remplacé par
de la pâte à bois teintée au plus proche.
Un trou de clou dans la charnière témoigne
d'une tentative ancienne de rafistolage.


Petite boite à cigarillos en acajou plaqué de palissandre de Cuba, avec des filets de laiton et fermoir en laiton :



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Petite boîte à compas en placage de palissandre de Rio, dont l'intérieur était très endommagé. Retrait complet du gainage intérieur en  tissu très abimé, refonte de toutes  les finitions et préparation de deux feuillets d'érable pour plaquer dans les deux fonds:



Etat final après collage des feuilles de placage d'érable et remontage des mécanismes:






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Jolie boîte à gants fin XIXe, en placage de bois de rose avec filets de laiton à l'extérieur et en placage de palissandre à l'intérieur. Un multitude de petits accidents de placage et deux brisures de la structure dans la partie arrière du couvercle, par efforts excessifs sur les charnières. Nombreuses heures de travail, mais satisfaction d'avoir fait revivre un bel objet en le remettant dans un état proche du neuf. Comme souvent sur les boîtes à gants de l'époque, la face avant bascule une fois le couvercle soulevé.






La propriétaire se prénommait peut-être "Eugénie" ou "Elisabeth", car la marqueterie forme
des motifs de E enlacés en carrés par quatre



                                                                    ****







samedi 16 janvier 2021

Quelle restauration en Art Deco ?

La restauration..., vaste débat ayant fait couler beaucoup d'encre depuis deux siècles. Il est hors de propos ici d'ajouter un grain de sel supplémentaire    non autorisé de surcroît    à ce débat. Il est question ici de décrire un peu l'esprit de ma démarche personnelle. Elle est spécifique à l'Art Deco d'une part, et aux objets détériorés ou hors d'usage d'autre part.



Pourquoi y aurait-il une spécificité Arts Déco pour la restauration ? 



Il ne faut pas perdre de vue que "Art Deco" est la dénomination qui a prévalu pour le mouvement de réaction à l'Art Nouveau, et qui a émergé aux yeux du grand public lors de l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris, en 1925. Le mot "industriels" est important car la démarche visait entre autre à entamer une réflexion sur la façon dont l'art pouvait s'insérer pleinement dans une production de type industrielle, la production de masse qui commençait à éclore. L'une des interrogations du mouvement était de comprendre s'il était possible d'allier production de masse et démarche artistique, ou d'inclure une démarche artistique dans la production de masse. La démarche n'était pas uniquement basée sur la rupture avec les excès ornementaux de l'Art Nouveau, il y a une réflexion nouvelle sur la production.
A ce titre on devrait pouvoir distinguer deux types d'Art Deco opposés. D'une part, l'Art Deco d'exception (Ruhlmann,...) celui de la pièce unique et précieuse qui vise les clients richissimes, et d'autre part l'Art Deco de masse qui vise au contraire à faire bénéficier les masses à l'accession d'une forme de beauté, via l'industrialisation des procédés. On pourrait citer ici par exemple les verres moulés signés (d'Avesn, Muller Frères,...) qui étaient proposés la plupart du temps à des prix très démocratiques. Ensuite il y a des créateurs qui se placent dans des gammes intermédiaires, comme Jean Perzel pour les luminaires, avec une production plutôt semi-industrielle.
On peut considérer, c'est ma démarche, que pour un objet industriel, une remise à neuf n'est pas un crime de restauration. Selon moi, garder la "patine du temps" n'a pas forcément un sens dans ce cas précis. Prenons l'exemple du nécessaire de fumeur restauré ici. Il est probable que c'est un objet semi-industriel, et on imagine aisément une aspersion de vernis cellulosique un peu à la chaîne pratiquée simultanément sur un grand nombre d'éléments. Or après un siècle, le vernis est en ruine car les UV le détériorent complètement. Mais l'objet n'était pas conçu originellement pour avoir une apparence "en ruine". Il était conçu pour avoir une apparence standardisée, telle qu'elle se manifestait au terme du processus standardisé de production en série. Il est donc légitime selon moi de remettre l'objet dans un état compatible avec cette idée initiale d'apparence standardisée. Je n'ai eu aucune hésitation à dévernir puis revernir à neuf, et ce en utilisant du vernis gomme laque, existant évidemment à l'époque puisque cette technique est multi-séculaire.
Nombre d'antiquaires sur internet remettent à neuf le mobilier Art Deco (dans la description, on trouve la mention "entièrement restauré dans notre atelier"). Il faut donc en conclure que la démarche ne choque pas, même pour des meubles haut-de-gamme. Ce qui me semble plus contestable en revanche, c'est que très souvent la restauration du vernis s'effectue "au-delà du neuf" : on voit des meubles brillants comme des miroirs sous une couche d'au moins un millimètre de vernis "gloss". Or dans ce cas il s'agit de vernis polyuréthane (vernis PU) qui n'existait pas à l'époque, et à ma connaissance, les meubles Art Deco neufs n'avaient pas cet aspect de surface glossy, les photos d'époque en témoignent. Donner une apparence glossy à un meuble Art Deco c'est donc déjà entrer dans une optique dite "meuble relooké" à laquelle je n'adhère pas, surtout lorsqu'il s'agit de meubles uniques ou haut de gamme.



Exemple d'un buffet restauré "glossy" avec vernis bi-composant (PU).

Dans une même veine, on trouve carrément des "antiquaires-relookeurs". Tel celui-ci en Allemagne qui passe à la laque piano noire tout ce qui atterrit entre ses mains:


... Un peu comme si on prenait un Rembrandt et qu'on le recouvrait par une abstraction géométrique, réalisée à l'acrylique en couleurs primaires.

Pour le bois, le vernis gomme laque était très utilisé à l'époque Art Deco, que soit pour des objets courants ou pour des pièces de mobilier haut-de-gamme. Il me semble que les vernis cellulosiques étaient plutôt réservé aux objets de moyenne gamme et bas-de-gamme, ou pour certaines parties de meubles peu visibles (étagères, intérieur des portes...). Pour ma part, après une expérience peu agréable avec du vernis cellulosique, je restaure tous les bois en vernis gomme laque. C'est un procédé qui est un peu long, mais qui reste très artisanal, ce qui me convient bien car je ne suis pas pressé : des chiffons, de l'alcool, de la gomme laque, et du temps, c'est  à peu près tout ce qu'il faut.
Pour la lustrerie en laiton, il est très courant de voir des vernis abîmés, ce qui se traduit par des zones contrastées (zones oxydées noires voisinant avec des zones jaunes tirant sur l'orangé).  C'est le signe que le laiton était vernis et que le vernis c'est usé. Dans ce cas il s'agit de vernis cellulosique. Je ne suis pas un chaud partisan du vernis cellulosique sur laiton car il devient d'une teinte bizarre tirant sur le vieux jaune orangé. Si les pièces ne sont pas trop difficiles à nettoyer, je préfère carrément ne pas re-vernir. Ceci dit, le vernis cellulosique est assez facile à appliquer sur le métal, à l'inverse du bois.


 En conclusion,  la remise à neuf des objets industriels ou semi-industriels ne me choque pas, mais cela doit se faire avec des procédés non anachroniques. C'est la démarche que j'adopte.

La restauration d'objets détériorés.


Les objets ou meubles Art Deco, peut-être du fait de leur caractère "industriel" réel ou perçu ont souvent été traités avec beaucoup moins de soin au cours de leur carrière que les véritables antiquités anciennes, considérés comme étant plus irremplaçables. Il n'est donc par rare de voir des objets ou meubles Art Deco estropiés, détériorés, ou alors en bon état mais incomplets. Pour les luminaires, il est très courant que la partie de l'éclairage lui-même soit manquante, car l'abat-jour fragile est souvent tombé en lambeaux au grenier, et la verrerie (vasques coupelles, globes, tulipes) est partie en morceau lors d'une manipulation malheureuse. Nombre de coiffeuses ont perdu leur miroir. J'ai même trouvé (et acquis) un meuble estampillé Jean Fauré qui avait perdu une partie des planchettes apparentes constituant l'arrière du meuble.
Dans ce cas, il me semble qu'il n'y a que deux possibilités. Primo la restauration type "musée": qui consisterait par exemple à trouver le même luminaire avec les verreries intactes, ou même les verreries dépareillées parvenues séparément jusqu'à nous. Pour un meuble, souvent unique, c'est une impossible gageure. Secundo, la restauration type "système D" : si le miroir d'une coiffeuse à disparu avec sa monture, on peut le remplacer soit par un autre miroir soit par ... rien du tout.
Le créneau qui me convient le plus est celui des objets détériorés, ou auxquels manquent des éléments, et rendus inutilisables ou inesthétiques. Tels quels, ils sont plus ou moins voués à la poubelle. Mais pour moi au contraire, cet état de détérioration est une carte blanche pour restaurer sans me poser de questions sur la rigueur absolue de la démarche de restauration. Du coup, c'est plutôt l'aspect "retour à un aspect plausible et plaisant" qui me guide, plus qu'une authenticité retrouvée à tout prix. Du point de vue d'un antiquaire ou d'un expert, cette démarche a toute les chances d'être qualifiée d'infâme bricolage, de bidouille etc. Mais à ceci je réponds que l'objet que je modifie n'atterrira jamais dans leur boutique, du fait justement de son état de détérioration. Ils ne sont donc pas concernés par cet objet, il est virtuellement hors commerce et hors du champ de leur jugement. En substance, l'alternative est entre la poubelle et la remise en état dans un état certes imparfait, mais plausible et qui conserve la vie à l'objet.



jeudi 14 janvier 2021

Un petit baromètre



Pour se faire la main sur la technique des placages simples, rien de mieux que d'utiliser de petits objets promis au rebut. Un baromètre glané sur un site internet bien connu de débarras me décide à explorer cette voie. Voici le baromètre dans son état initial à la réception du colis, la taille réelle est d'une douzaine de centimètres de côté:






L'esthétique de l'objet est une catastrophe à mon goût, mais l'idée ici est de transformer complètement son apparence. Il y a d'autant moins de scrupule à "dénaturer" l'objet que le baromètre ne fonctionne plus du tout, et il y a donc fort à parier que cette tentative de vente était la dernière étape avant la poubelle (le prix demandé n'atteignait pas les frais de port).


Diagnostic technique


Comme on le voit, l'indication "Variable" au lieu d'être en haut se trouve à droite et de travers. En fait tout le baromètre (cadran et mécanisme) ballote dans son logement. A l'ouverture de la plaque arrière, il apparaît que les vis de fixation de la console en laiton sur la cloche en aluminium sont manquantes (voir photo ci-dessous). La potence servant d'amplificateur au mouvement (appelée aussi "levier") est sortie de son logement. Le scénario est clair : suite à une chute, la potence est sortie de son logement, il y a eu tentative infructueuse de réparation et d'ouverture, suivie d'une mise au rebut avec perte des vis de fixation. L'ouverture du mécanisme interne nécessite de désolidariser la cloche assez solidement assujettie à la partie avant, en verre et laiton. La potence est la tige rotative que l'on voit sur la droite du châssis, fixée aux deux extrémités par deux vis bleues pointues:




Les trois vis de fixation étant perdues et non standard, il faut re-tarauder les trois perçages pour recevoir de nouvelles vis (ici du 2.5 mm):





Ensuite, il faut complètement réviser les réglages du mécanisme (2 vis pour la raideur et une vis pour l'étalonnage). Pour cela, le mieux est de monter le baromètre sur une console avec un grand percement à l'arrière, de telle sorte que les trois vis soient accessibles:




En bas du percement, sur l'image ci-dessous, les deux vis acier pour la raideur, en haut à gauche, la vis laiton pour l'étalonnage. La potence maintenue en place par les deux vis bleues est tout en haut. 
Lorsque le baromètre est remonté dans la cloche, les deux vis de raideur doivent ne plus être accessible afin d'éviter une manipulation intempestive, seule la vis d'étalonnage doit rester accessible, en cas de changement de lieu:





Connaissant la pression-mer du lieu heure par heure (sur internet), on peut régler la raideur du ressort, puis ensuite l'étalonnage à la valeur observée. Le processus prend plusieurs jours, car sur une journée, la pression ne varie pas beaucoup. Le fabricant possède une chambre à pression réglable, mais pour un particulier, il n'y a pas d'autre solution que d'attendre le passage de plusieurs dépressions puis anticyclones pour régler la raideur avec un échantillon de données possédant une amplitude suffisamment large. Malgré la chute ancienne de l'objet, tout semble fonctionner une fois les pièces remises en place.


Transformation du boîtier

Difficile de dater le boîtier, il me semble plutôt style "années 50", mais sans certitude. Il est un peu balourd dans ses proportions, et mon intention est de l'amaigrir un peu, pour s'approcher de l'esprit "skyscraper" en vogue dans la periode Art Déco, comme par exemple cette pendule:





Mes capacités pour ce qui est du placage étant celles d'un débutant, je limite cependant le nombre de ressauts, puisque chaque ressaut ou chaque angle coupé supplémentaire nécessite la découpe de petites pièces de placage potentiellement délicates à réaliser et à assembler. Afin de rendre la façade plus élancée, deux feuillures sont pratiquées sur les côtés. Pour cela il faut assembler un banc d'usinage pour la défonceuse.




C'est la règle générale avec cet outil : trente minutes d'installation pour un geste technique de trois secondes. Ensuite, afin d'élancer un peu la ligne, un socle constitué de deux gradins parallélépipédiques très simples est rapporté à la base de l'objet:



La forme est plus simplifiée que dans le style "skyscraper" où les décrochements et pans coupés abondent, mais pour cette première réalisation, je préfère commencer avec des surfaces simples à mettre en oeuvre pour les placages. Disons que c'est un design intermédiaire entre style "skyscraper" et moderniste.

Les placages que je me suis procuré sont en ébène d'Amara et en palissandre de Santos. L'ébène me semble trop veiné et contrasté pour un si petit objet; l'option retenue est donc le palissandre. Celui de Santos est plus clair que le palissandre de Rio, qui était le plus souvent utilisé dans l'Art Déco, mais désormais très contingenté en commercialisation et difficile à trouver.


Palissandre de Santos

La découpe au cutter ou au scalpel de lamelles de faible largeur (5 à 10 mm ici) est assez délicate, car le risque est grand qu'une zone de faiblesse cède lors de la traction de la lame qui exerce un effort en arrachement sur la plaque. De plus, ce sont souvent des essences très dures, et le scalpel a du mal à attaquer le bois, il faut donc appuyer très fort. Après un ou deux essais réussis mais stressants, je préfère adopter la technique de la scie à placage, avec une cornière serrée sur une planche, afin de bien maintenir la feuille de placage. Cette méthode, peut-être un peu plus longue que la découpe avec un outil tranchant, est vraiment très efficace et sécurisante pour les petites pièces qui sinon pourraient avoir tendance à se casser selon les fentes et faiblesses du bois. La partie à conserver étant coincée sous la cornière et fortement pressée, elle ne peut pas être détériorée lors de la découpe.


Début du placage avec le socle:


Afin de briser la monotonie d'un placage uniforme, les deux feuillures latérales sont plaquées avec de l'ébène d'Amara en croisant le sens du fil. L'ébène d'Amara est présenté comme une alternative à l'ébène de Macassar, qui est devenu à peu près introuvable de nos jours. 



Pour le placage de la façade, n'ayant pas de motif qui me satisfasse sur ce qui reste de ma feuille, j'utilise plusieurs morceaux en jouant sur l'orientation des veinages pour créer une symétrie:



Le placage est entièrement terminé, la façade en palissandre est en fait composée de quatre morceaux juxtaposés:





Après vernissage et éclaircissage




Le baromètre terminé après remontage 




Légère insatisfaction au niveau de la liaison du placage entre le corps principal et le socle, où une petite fente reste visible. Je voulais que chaque pièce vernie reste démontable pour faciliter le vernissage, mais cela se paye dans l'apparence finale au niveau des liaisons. 
Avec ce choix technique, il est pratiquement impossible d'obtenir une liaison impeccable.
Je comprends donc pourquoi cela n'était pas fait ainsi et je ne m'y prendrais plus comme ça à l'avenir, quitte à devoir utiliser du vernis copal pour arriver à vernir au fond des angles rentrants.