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mardi 17 janvier 2023

Une petite tirelire Napoléon III

Quittons un peu l'époque Art Déco, avec une petite tirelire Napoléon III en placage de loupe de noyer ou d'orme et bois de rose;  le couvercle est décoré avec des filets en laiton et ébène, et avec une inclusion de laiton en son centre. Passablement abîmée, avec des dégâts de surface mais aussi structurels, elle me faisait pitié dans une brocante à Foix. Les côtés sont presque tous décollés, les petites pièces d'angle aussi, et il y a des petits manques de placage. Les parties laitonnées sont en bon état, et détail méritant d'être signalé, la clé était présente. Le démontage de la serrure permet de mettre en évidence une inscription "Breveté SGDG  *  M.L". Du coup, j'ai aussitôt pensé qu'il s'agissait d'une tirelire début ou milieu XXe, mais en fait non, la réglementation du Brevet SGDG (sans garantie du gouvernement) date en fait de 1844, c'est à dire tout à fait compatible avec un objet d'époque Napoléon III.

Façade de la petite serrure



Etat des lieux après un premier nettoyage:

1, 3, 4 : petites pièces d'angle décollées.
2 : pièce manquante laissant voir un des côtés décollés (fente).
                                         

1 : la petite pièce a été recollée à l'envers ! (chanfrein à dr.) 
2 : petite pièce et côté décollé. 
3 : manque de placage loupe de noyer ou orme

Les bronzes sont en bon état.



Il faut d'abord recoller les côtés. L'assemblage n'est pas réalisé par des tenons, mais par simple collage bord à bord, ce qui explique peut-être les nombreux décollements. Certaines petites pièces d'angle arrondies sont aussi décollées ou peu adhérentes. En définitive, je crois les avoir toutes recollées ou presque : à chaque fois que je travaillais dans une zone, la pièce d'angle sonnait creux, et finalement se décollait sans aucun effort. Pour les recoller, le plus simple est de fabriquer une équerre et une contre-équerre, sinon le serrage est problématique (les côtés correspondants doivent avoir été solidement recollés au préalable, étant donné la contrainte en éclatement créée par ce serrage, malgré la présence de la contre-équerre à l'extérieur).


vaste question ...




Ensuite, il faut refaire une nouvelle pièce d'angle pour la petite partie manquante. Il est important de noter que ces pièces ont réalisées dans le travers du bois, c'est à dire que le fil du bois est perpendiculaire à la longueur, ce qui rend les pièces fragiles car elle sont très fines (1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur). Il faut donc utiliser un bois très dense, sous peine sinon de ne jamais parvenir à réaliser le petit profil de ces baguettes. 



N'ayant aucune idée de l'essence utilisée originellement, je choisis un morceau pris sur un arbuste de mon jardin, dont je n'ai jamais réussi à déterminer l'espèce, mais qui est très dur, presque autant que le buis, avec de jolies moirures une fois verni, et dont la teinte dans le coeur est proche de celle des baguettes originelles.

!! Edit : il s'agit de bois d'Alaterne ! (a.k.a nerprun alaterne)


Arbuste du jardin, dont j'ignore le nom, avec un bois très dense; 
à g. échantillon poncé, à dr. brut de fendage.
  

La réalisation de cette baguette est un défi  : 10 mm de large, 1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur, profil en quart de rond chanfreiné à l'arrière, avec les arêtes à 45°, le tout dans le bois de travers ! Il y a intérêt à procéder très soigneusement si l'on veut que le résultat soit satisfaisant. Après réflexion, la meilleure méthode, me semble-t-il, est la suivante : d'abord dégrossir au mieux mais un peu largement (profil rectangulaire 12 mm x 2 mm) puis réaliser trois petits tronçons de 20 mm. Ces trois tronçons seront collés fortement et bien alignés, sur un tasseau de sapin d'une longueur d'environ 15 cm, à une certaine distance les uns des autres.  C'est le petit tronçon du centre, le plus précis, qui sera utilisé à la fin. Une fois ceci réalisé, continuer l'approche du profil à la lime à métaux en procédant délicatement, jusqu'à obtenir un profil rectangulaire ou légèrement arrondi, pratiquement à la bonne côte (10.5 mm x 1.8 mm). A ce stade de précision, les mesures doivent se faire au pied à coulisse. Le profil final est ensuite obtenu par ponçage, l'intérêt d'avoir trois petits tronçons espacés est que la matière à retirer par ponçage est minime, mais que la précision du ponçage est tout de même grande car la pièce à poncer repose sur une base de longueur  importante (15 cm). Il est crucial que la feuille de ponçage (ici grain 180) soit collée sur une planche, car si elle est laissée libre, l'effort du ponçage produit toujours un bourrelet (imperceptible) du papier de verre devant le bord d'attaque de la pièce poncée, et produit un profil peu précis, au niveau de ces bords d'attaque.

Imprécision du résultat au niveau des bords d'attaque si le papier de verre n'est pas collé



Pour assurer que les arêtes latérales soient bien à 45 °, le plus simple est de réaliser un guide à cet angle. Ensuite, il n'y a plus qu'à amener le profil en douceur  jusqu'aux dimensions finales en ponçant longitudinalement sans oublier de changer le tasseau de sens périodiquement afin de compenser les différences d'appui naturelles de la main.

Papier de verre collé, et équerre de guidage pour les arêtes.

Le profil terminé, il ne reste plus qu'à décoller les morceaux.

!! THE PIECE !!



Après recollage de la pièce manquante, et remplissage des petits accidents avec de la pâte à bois, l'ensemble peut être poncé une dernière fois avant l'application du vernis gomme laque au tampon. 
Une fois de plus, il apparaît clair qu'un bouche-porage ancien bien réalisé n'est jamais retiré par le dévernissage et par le reponçage léger. Pour ces restaurations, il suffit donc d'appliquer le vernis,  sans avoir à reprendre le bouche-porage. 

Concernant le rebouchage des petits accidents avec de la pâte à bois, plusieurs remarques : primo, lla teinte de la pâte après ponçage est souvent très décevante (beaucoup trop blanche en général). Le teintage de la pâte dans la masse est souvent peu convaincant (pour une pâte à l'alcool ou à l'acétone, utiliser une teinte à l'alcool, pour une pâte à l'eau, une teinte à l'eau), et ne résout pas vraiment le problème, et ajoute le problème supplémentaire d'une pâte qui devient trop diluée, trop fluide et donc sujette à encore davantage de retrait au séchage. Il faut donc se résoudre à des retouches successives de couleur sur la zone réparée. Le mot "successif" est utilisé à dessein, car la teinte de la pâte poncée étant très éloignée de la teinte cible, il faudra en général plusieurs couches de retouche pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Pour ces petits objets, il convient d'utiliser un tampon de petite dimension (taille d'une noisette), et de vernir plusieurs objets à la fois (dans le cas présent, une boîte à cigares mid-century). En effet il est essentiel que le vernis puisse "prendre" légèrement durant une ou deux minutes entre deux passages successifs du tampon. Il faut absolument éviter d'être trop "gourmand" et vouloir repasser deux fois de suite sur une zone donnée dans un intervalle trop rapproché : c'est la garantie de l'échec, c'est à dire d'un vernis qui accroche et devient rugueux, de façon difficilement récupérable et psychologiquement éprouvante car normalement chaque séance de vernissage doit toujours nous faire approcher du brillant final, et non régresser vers le mat initial de la première tamponnée de charge. Une séance de vernissage pour de tels petits objets est donc très courte, une dizaine ou une vingtaine de minutes tout au plus, pour deux objets, avec un repos de 24 h ou mieux 48 h entre deux séances. Pour les deux objets, on veille à vernir en respectant un cycle immuable dans l'ordre des faces (ex les côtés de l'objet A en partant de la façade, les côtés de B idem, le dessus de A, le dessus de B, etc.), ceci afin de maximiser le temps de séchage entre deux passages du tampon sur une même zone.  Si, par fantaisie, on ne souhaite pas respecter ce cycle, on peut aussi patienter un peu entre deux tamponnées, mais alors le tampon inactif sèche à l'air libre, ce qui n'est pas très bon (et cela fait perdre du temps). Le mieux est donc d'essayer de se tenir à cette "discipline", tout de même pas très contraignante. 

C'est toujours le vernis nous indique qu'il est temps d'arrêter la séance : chaque nouvelle charge devient laborieuse, le tampon se met à glisser de moins en moins bien à chaque nouvelle tamponnée (à chaque nouvelle recharge du tampon en gomme laque). Quand on arrive vers la fin de la séance, c'est alors qu'il convient d'être le plus intransigeant sur l'épuisement du tampon: il faut absolument continuer à glisser le tampon qui devient presque sec mais pas tout à fait (on peut le remplir très légèrement d'alcool pur s'il devient trop sec, afin qu'il se remette à "travailler" davantage,  mais alors les premières trajectoires doivent être très rapides pour éviter tout risque de "labour").  Répétons-le, c'est le glissement inlassable du tampon de plus en plus sec qui provoque le "lustrage" qui va faire que cette séance nous approche un peu plus du brillant final par rapport à la séance précédente.  Au passage, on note que plus le tampon sèche, plus on peut se permettre d'appuyer (légèrement) plus fort, et plus le mouvement doit devenir lent. L'objectif est de garder une glisse "lisse" et "silencieuse". Un tampon qui lustre correctement glisse avec certes une résistance, un freinage, mais sans rugosité, et cela s'entend à la qualité du "silence" de la glisse.



La restauration de ce petit objet m'a permis de me familiariser avec les techniques de base (colle d'os, découpes fines), formation utile pour un projet plus important qui me tient à coeur depuis un certain temps, et que je ne voudrais pas louper: la restauration complète d'un grand miroir Art Déco avec un bas-relief en plâtre au-dessus (plutôt un trumeau donc)


Etat final

Face avant




Côté et arrière



Intérieur

mardi 27 décembre 2022

Un guéridon plutôt énigmatique

Attaquons-nous à ce guéridon ou "bout de canapé" acheté au Forum des Antiquaires il y a un certain temps et qui était en sommeil dans un coin en attendant le moment propice. Quelque semaines d'inaction forcée me décident à passer à l'attaque.  Comme on dit en immobilier "belles potentialités", ou dans le jargon éducatif "bonne marge de progression" : il y a une base intéressante, mais le rendu est un peu décevant, et beaucoup d'accidents à reprendre.



Aspect initial

C'est un meuble à système, avec tiroir et plateau ouvrant dans sa partie centrale, découvrant des petits rangements au-dessous. Il pourrait s'agir d'un meuble de fumeur étant donné qu'il y a pas mal de petits rangements, et que le bord du tiroir marqué de noir a manifestement servi à poser des cigarettes ou cigares, un peu comme les touches en ivoire des octaves aigües de certains pianos de music-hall...

 La première question, avant d'agir en quoi que ce soit, est de savoir à quelle époque et à quel style ce meuble appartenait. Certains indices font pencher pour l'époque Art Déco tardif (l'emploi du Macassar, le bouton de tiroir), mais l'aspect général semble plutôt incliner pour une époque plus vintage, disons années 1950, notamment la pauvreté de certaines finitions dans la partie médiane, plutôt flashy et peu en harmonie avec le plateau. Le travail de restauration mené ici m'a imposé une longue enquête, développée intégralement ci-dessous afin de servir de justification aux divers choix de restauration que j'ai effectués,  enquête longue dont la lecture peut être évitée en passant directement à la section "restauration".


Bouton de tiroir. Infimes accidents de placage en façade du tiroir. 

Afin de préciser la chronologie, une question serait de savoir si les charnières invisibles du plateau, à effacement total (s'ouvrant à 180 °) existaient à l'époque Art Déco, mais elle reste sans réponse pour moi actuellement(*). Autant une poignée de tiroir peut-être changée au gré des envies et ne permet donc pas nécessairement de dater un meuble avec certitude, autant la forme des charnières semble ici indissociable du design initial de ce petit meuble à système et pourrait donc servir à fournir un terminus a quo pour ce qui est de la période de fabrication. L'intérêt de ces charnières est que une fois ouvert, le battant du plateau vient reposer complètement à plat sur la partie dormante, en ayant effectué une rotation de 180° sur lui-même. Personnellement je n'ai jamais rencontré de charnières aussi "techniques" sur un objet Art Déco, mais après tout ces charnières sont constituées d'éléments qui individuellement sont très simples, et elles sont entièrement démontables par retrait de deux goupilles métalliques. Ces deux caractéristiques sont typiques de l'esprit Art Déco, donc tout bien pesé, il n'est pas totalement impossible en définitive que ces charnières soient d'époque Art Déco. La partie en fonte moulée d'une des deux charnière était brisée, et il m'a donc fallu la recoller  (à la colle epoxy).

(*) Edit ultérieur: La réponse se trouvait sur les charnières elles-mêmes! Avec une loupe, minuscules inscriptions: SOSS-NY au centre , et  PAT. 08 MAR. 3 sur un côté de la charnière. Après recherche internet cela signifie que le brevet est du 3 Mars 1908 déposé par Joseph Soss.  Le premier brevet de charnière par Soss remonte à 1903. De nombreux autres brevets et améliorations déposés ensuite au fil des années jusque dans les années 1930. Il est plus probable d'utiliser un modèle daté de 1908 sur un meuble fabriqué vers 1920 ou 1930 que sur un meuble fabriqué vers 1950 ou 1960, pour lequel des charnières plus perfectionnées auraient été disponibles. L'époque Art Deco du meuble originel est donc, selon moi,  définitivement attestée grâce à la quincaillerie. Voir un modèle un peu similaire sur ce brevet daté de 1911 :  https://patents.google.com/patent/US1009108 .


Détail des charnières invisibles SOSS. N-Y (brevet 3 mars 1908)


Concernant le style du meuble, mon interprétation est qu'il s'agit d'une création d'époque Art Déco (moderniste, tardif, disons fin des années 30), mais remaniée par la suite dans un style plus vintage au cours des années 50 ou 60. Expliquons maintenant les raisons qui conduisent à penser ceci. Et pour cela, suivent tout d'abord une description et un examen critique détaillé. C'est un peu long mais sans ce cheminement, impossible de savoir comment restaurer le meuble, comment agir, jusqu'où aller; impossible de démêler ce qui est l'intention initiale, et ce qui au contraire participe d'un remaniement plutôt bâclé à mon sens, sur lequel on peut revenir complètement, sans remord. Pour jauger cela, il faut des éléments, des preuves.

Description:

Le plateau supérieur s'ouvre dans sa partie centrale pour découvrir trois compartiments intérieurs en contreplaqué de 8 mm teinté, d'une teinte violente, tirant entre acajou-bordeaux et sang de boeuf. Sur un des côtés du meuble, un petit tiroir monté à queues d'arondes, en acajou massif sauf pour la base qui est en contreplaqué de 5 mm. La façade du tiroir est en placage d'ébène de Macassar avec une orientation de fil verticale. Il n'y a pas de raison de penser que le bouton du tiroir n'est pas d'origine (sauf peut-être un petit percement secondaire, juste au-dessus).  Du côté opposé au tiroir, un simple alvéole de mêmes dimensions, dont l'intérieur est lui aussi teinté de ce même rouge assez violent. 

Les deux plateaux sont en contreplaqué épais (22 mm, trois plis 2-18-2 mm, procédé courant aux débuts de la technique du contreplaqué) recouvert d'un placage en ébène de Macassar de belle allure, bien veiné et bien contrasté. Les chants du plateau supérieur sont aussi plaqués en Macassar, mais avec partout un fil perpendiculaire au plateau (fil vertical). Tous ces chants en Macassar sont fortement dégradés. Les chants du plateau inférieur sont une véritable énigme à eux seuls: trois d'entre eux sont en placage d'acajou, et le dernier en placage de Macassar peu contrasté, ou en palissandre. Ces quatre chants sont posés avec un fil parallèle au plateau (fil horizontal).  Le dessus du plateau supérieur possède, approximativement en son centre, une inclusion octogonale de marqueterie de facture assez grossière, et assez peu esthétique : un filet de Wengé ou d'ébène noir, et au milieu un octogone de ce qui semble être de l'acajou légèrement flammé ou une ronce de noyer grossière, dans un choix de feuille apparemment fait sans aucun souci esthétique. Notablement, cette inclusion de marqueterie possède un aspect de surface mal fini : dénivelés, nombreux défibrements pour l'ébène, et pour la partie centrale, mal aplanie, des parties du décor encore rugueuses, même pas poncées !

Le plateau intermédiaire (base des compartiments et assise du tiroir) est en contreplaqué de 5 mm. Les quatre chants de cette planchette sont non apparents: ils sont masqués sur les deux côtés sans tiroir ni alvéole, par une planche de côté en acajou massif, à la surface mal dégrossie et encore une fois, violemment teintée, et sur les deux autres côtés, par deux tasseaux d'entretoise en acajou massif également, tous deux de finition différentes : l'un est  non teinté,  avec un état de surface mal dégrossi, l'autre (coté tiroir) est en placage de Macassar,  à fil vertical comme le tiroir.

Tasseau d'entretoise mal dégrossi
(traits de sciage visibles après retrait de la teinte)



Les quatre montants du piètement sont en acajou blond massif, avec trois cannelures en creux sur toute leur longueur. Ici aussi, c'est un beau choix des pièces de bois, délibérément peu contrastées, avec un veinage assez neutre pour ne pas venir interférer avec la flamboyance du Macassar qui se suffit à elle-même. Seules petite réserves, des différences notables dans la couleur du bois d'un pied à l'autre, et le fait que un des pieds présente une nodosité vers le bas, ce qui exclut de facto l'exécution par un ébéniste de renom, qui ne se serait jamais permis cela.

Tous les assemblages et placages sont réalisés avec de la colle d'os.  Pour ce qui est des finitions de surface, l'ensemble du meuble semble avoir subi dans son histoire un ou plusieurs passage à la cire.  Pour ce qui est du Macassar on trouve cette cire puis directement le bois brut.  Sur les côtés et entretoises, la violent teinte rougeâtre recouvre directement le bois brut. On pourrait d'ailleurs plutôt parler de peinture que de teinture, tellement le rendu est opaque, masquant presque totalement le veinage des bois sous-jacents. Sur le piètement,  la teinte rougeâtre et opaque est mélangée à un vernis fragile ou dégradé (il s'élimine même aisément à l'ongle). Une fois celui-ci retiré, on accède encore à une couche de cire, puis enfin le bois brut. La cire est donc présente presque partout à la surface du meuble, directement à l'air pour le Macassar, ou sous un vernis pour le piètement. Un bon décirage va s'imposer.


Examen critique

L'examen attentif du meuble amène à se poser des questions esthétiques et stylistiques. Voici les éléments glanés au fil des découvertes.

- D'abord, il devait y avoir initialement deux tiroirs, et non un tiroir et un alvéole. En effet, les quatres montants latéraux on tous un épaulement dont l'utilité est claire: ces épaulements servent à stopper l'ouverture du tiroir en position presque sortie, grâce à deux petites goupilles en bois dépassant des deux côtés du tiroir. Ces goupilles sont simplement insérées "à gras" est se retirent aisément. Pour un ébéniste, il n'y a aucune raison valable de pratiquer ces deux épaulements gratuitement si l'alvéole de ne doit pas recevoir de tiroir, car sans tiroir, les épaulements deviennent visibles. Un ébéniste, même moyen ne se permettra pas un tel préjudice visuel, sans compter le surcroît de travail, lesdits épaulements ayant clairement été réalisés à la main. Autre indice éliminant les derniers doutes : la trace très nette à l'intérieur de l'alvéole de deux tasseaux de guidage latéral de tiroir retirés ultérieurement. Il est donc prouvé qu'il y avait originellement deux tiroirs et non un, l'un d'eux ayant été perdu. L'alvéole ainsi créé a été passé intégralement "au rouge", comme beaucoup d'autres parties.


Trace de décollage du guide latéral (flèche de g.) et épaulement d'arrêt (flèche de dr.) dans l'alvéole.


- L'état très dégradé des chants du plateau supérieur pose lui aussi question. Assurément, les chants à contre-fil sont toujours plus fragiles que les chants dans le fil, surtout si leur bordure a été mal chanfreinée, mais là tout de même, c'est catastrophique. Soit l'apprenti avait trop chauffé la colle d'os le jour où les chants ont été posés (diminuant par là ses performances), soit le meuble a connu une très forte humidité et une forte chaleur (hammam?). Néanmoins, dans cette dernière hypothèse,  les autres placages auraient aussi été décollés, ce qui n'est pas le cas. Il ne reste donc pour moi qu'une défaillance de la colle ce jour-là, associée peut-être à un manque de soin pour les chanfreins de ces chants posés à contre-fil, en un endroit saillant du meuble, où la colle est donc plus intensément sollicitée en arrachement.


Chants très dégradés, aspect terne du Macassar, et  "peinture" rouge sur l'entretoise à gauche


- Les parties en Macassar sont mates et d'aspect assez brut quoique soigneusement poncées. Le meuble était-il initialement vernis, et a-t-il été déverni pour le mettre davantage au goût du jour des années 50 ?

- Sous toutes les parties teintes ou plutôt peintes en rouge vif, l'état de surface est toujours mal dégrossi : on trouve des zones non correctement poncées et des traces de dents de scie à ruban : l'état est brut ou presque. Il semble n'y avoir aucun doute que cette teinte opaque a été appliquée comme cache-misère en ces endroits-là, suite à la dépose d'un placage, probablement trop dégradé pour être conservé.


Le "rouge intégral" sur les côtés et les pièces d'entretoise.
Sur le piètement, le pigment rouge est mélangé à un vernis peu adhérent.
Par contraste la teinte du Macassar apparaît comme d'un brun-verdâtre peu flatteur...


Sous la peinture des planches de côtés, la misère :
traces de sciage (à dr.), zones en creux non poncées (à g.)

Programme à suivre pour la restauration


Vraisemblablement, il s'agit donc d'un meuble Art Deco élégant et de bonne facture sans être une oeuvre d'art non plus, mais ayant subi en quelques décennies un dommage important (décollement d'une bonne partie des placages de chants et des côtés). Il a ensuite (vers les années 50 ou 60) été amené chez un menuisier de piètre talent pour être remis dans un état acceptable. A cette occasion, une part significative des placages en Macassar a été déposée et remplacée sur le bois tel quel (pratiquement brut) par une teinture/peinture rougeâtre afin de masquer les défauts. Le piètement a lui aussi reçu une teinture, mais intégrée à un mauvais vernis. Peut-être à cette occasion aussi, l'inclusion de marqueterie médiocre a été réalisée, suite à un dommage sur le plateau, souvent dû à une soucoupe de pot de fleur trop poreuse.

Mon programme est de revenir à un état proche de l'état initial déduit de cette enquête. Retrait de toutes les teintes rouges, remplacement des placages abîmés, remise en place des placages qui ont été retirés dans les années 50/60 sur les côtés et les entretoises.  Les placages de Macassar seront recouverts d'un vernis gomme-laque doré, appliqué au tampon, afin de leur redonner toute leur noblesse d'origine, ainsi qu'une teinte générale plus chaude que la teinte actuelle, qui tire trop sur le verdâtre. Pour le piètement, un aspect satiné et un respect de la couleur plus blonde du bois sont peut-être préférables, et dans ce cas il faudra idéalement opter pour une huile dure satinée la plus incolore possible. Une autre option  possible est d'appliquer ici aussi un vernis au tampon, mais le résultat risque d'être moins satisfaisant du point de vue teinte et texture, car tout le meuble sera brillant, et le contraste de teinte entre le Macassar et le piètement sera moindre. Le choix définitif n'est donc pas encore fait à ce stade concernant le piètement.

Ainsi, le meuble va ainsi retrouver une cohérence esthétique, en revenant à un état montrant seulement deux couleurs : le Macassar et l'acajou. Dans l'état actuel, une troisième teinte rouge, plate, violente, vient complexifier l'aspect et rend le meuble peu lisible, en interférant avec les deux essences de bois par une teinte artificielle et étrangère.

Une question plus annexe concerne le sens du fil pour les placages des chants du plateau. Avec un fil vertical sur tout le pourtour, un aspect décoratif a été privilégié au détriment d'un aspect naturel. Bien que ce choix soit purement subjectif, je le respecterai, afin de ne pas dénaturer l'esprit du meuble. Du reste, les chants plaqués  à contre-fil sont un grand classique pour les les guéridons Art Deco en Macassar, presque un passage obligé. Il faut reconnaître que ces chants traités avec des tronçons très courts et contrastés subliment vraiment le veinage du Macassar et procurent toute leur noblesse à ces meubles.

Le fil vertical présent sur la façade du tiroir sera maintenu, et servira de modèle pour le sens du fil sur les planches de côté, ainsi que sur les tasseaux d'entretoise,  en respectant la cohérence d'une face à l'autre. Pour les chants de la tablette inférieure, un placage de Macassar sera appliqué avec un fil vertical comme pour le plateau supérieur.

L'inclusion de marqueterie du plateau, bien que de qualité médiocre, sera laissée telle quelle, en essayant de gommer ses défauts les plus criants. Le filet d'ébène noir recevra de la pâte à bois pour remplir les importants manques et défibrements avant d'être teinté (en teinte Wengé), et le médaillon central, terne et encrassé,  sera poncé et dégrisé avant vernissage.

Le postulat étant que le meuble est d'époque Art Déco, un corollaire immédiat est que le Macassar devra être vernis au tampon à la gomme-laque, les bois exotiques n'étant huilés à cette époque que pour les petits objets, non les meubles.

L'intérieur des compartiments sous le plateau sera retravaillé lui aussi : retrait de la peinture rouge, ponçage soigneux et éventuellement placage d'un bois plus neutre généralement utilisé pour ce genre d'emplacement, puis vernissage. Ou bien ponçage soigné et application d'une huile dure satinée.

Enfin, faute du matériel et des outils nécessaires pour travailler le bois, je ne compte pour l'instant pas refaire le tiroir manquant(*), mais l'alvéole sera lui aussi un peu retravaillé : retrait de la peinture rouge,  au moins dans la partie visible vers l'avant, ponçage  et application d'une finition plus neutre, à déterminer le moment venu. Lorsque le second tiroir sera recréé, plus tard,  il faudra alors trouver deux boutons de tiroir identiques, d'aspect plausible vis à vis du meuble.


(*) Edit ultérieur : finalement ne parvenant pas à trouver une idée convenable pour traiter le problème de l'aspect du compartiment par rapport à l'esthétique et à la cohérence du reste du meuble, je décide de réaliser tout de même un tiroir, mais de conception simplifiée sans queues d'aronde, le but étant surtout d'obtenir une façade qui sera plaquée en Macassar et vernis, en cohérence avec les trois autres côtés du meuble.


Il y a donc un gros travail de restauration, mais au moins le programme est clair, et les travaux ne sont pas structurels. Il s'agit donc d'une restauration d'aspect, avec certes un travail minutieux et long, mais ne mettant en oeuvre que des techniques assez basiques, sans nécessiter d'outillage pointu du travail du bois.


Restauration


Les placages des chants abîmés sont d'abord retirés. Ils sont collés avec la méthode traditionelle à la colle d'os. La méthode la plus efficace, quoique longue pour les décolller, consiste à humidifier le placage dans la masse, puis de le chauffer. Pour humidifier le placage véritablement dans la masse, il faut faire stagner à sa surface un colloïde quelconque (bouillie de farine, colle à papier peint...) pendant plusieurs heures. Une simple application d'eau ne suffirait pas à pénétrer vraiment ces bois très durs, et de plus l'eau aurait tendance à s'évaporer et sécher rapidement, au contraire d'un colloïde qui reste en place sans se dessécher. On pourrait tout aussi bien utiliser, je pense, du coton hydrophile bien humidifié, voire même tout autre substrat retenant l'eau comme de la paille broyée, sciure de bois, vermiculite, etc.

Ne souhaitant décoller que les chants, je réalise une petite goulotte qui recevra la colle à tapisserie. Il suffit alors de la remplir avec environ un centimètre de colle, que de laisser en place durant quatre à six heures. 

Gouttière contenant la colle à affiches, pour déposer les placages endommagés.


Ensuite il suffit de retirer la colle à affiche avec une cuillère, de nettoyer à l'éponge, de placer un papier journal plié en deux ou trois sur le dessus, et chauffer brièvement le papier au fer à repasser en position maximale. Le décollage est si efficace que bien souvent le placage se décolle tout seul et reste accroché au papier journal (à cause des restes de colle à affiche sans doute). Je n'ai conservé que deux courtes portions de chant pour le plateau vertical. D'infimes accidents (sur les chants conservés) sont masqués à la pâte à bois puis teintés au mieux. De petits accidents sur la façade du tiroir sont comblés avec des petites pièces de placage. A la fin de cette étape, le bois brut est mis à nu sur tous les chants à réparer, prêt à recevoir un nouveau placage.

L'ensemble du vernis présent sur le piètement est facilement retiré au grattoir, laissant apparaître une surface cirée. De même la teinture/peinture rouge est retirée partout au grattoir puis au papier de verre, aucune cire n'étant présente au-dessous.

L'étape suivante consiste à décirer toutes les surface cirées. Cette étape est plutôt longue car l'élimination de la cire ne peut se faire que petit à petit par transfert sur un papier absorbant. Il faut appliquer le décireur en frottant avec de la paille d'acier fine, puis immédiatement "éponger" le liquide sale avec du papier absorbant. Mais un unique passage est loin de tout retirer, et il faut recommencer à de nombreuses reprises, jusqu'à ce que le liquide récolté sur le papier absorbant cesse d'être sale (brunâtre). Alors on sait que la plus grande partie de la cire a été retirée et que le ponçage deviendra donc possible.  Ce n'est pas peu dire que l'on est content lorsque cela se termine. Cette étape est frustrante car visuellement elle ne produit aucune modification. La seule avancée est que la surface est maintenant apte à être poncée et/ou teintée, et/ou vernie, c'est à dire prête à être retravaillée en vue de la nouvelle finition. Un meuble initialement vernis, ayant ultérieurement été ciré par facilité, pour lui redonner rapidement de l'éclat,  constitue une hantise pour le restaurateur. C'est malheureusement assez fréquent. Bref, quelques demi-heures et quelques rouleaux de papier absorbant plus tard, toutes les surfaces se trouvent décirées, et le meuble est enfin prêt à être restauré.

L'ensemble est enfin prêt pour la restauration après retrait des placages et vernis, puis décirage


Il faut ensuite procéder au choix et au découpage des pièces de placage. La largeur des bandelettes étant très petite, celles-ci sont très fragiles. Il faut donc les découper délicatement à la scie à placage. Pour plus de sécurité, on peut coincer le bois sous des équerres vissées, pour le maintenir fermement pressé pendant le sciage. Afin de conserver un bon contraste, des feuilles plutôt foncées et d'autres plutôt claires sont choisies, les deux feuilles les plus à gauche:

Diverses teintes et veinages de macassar, du plus clair au plus sombre

Les bandelettes pour les chants sont découpées, toutes légèrement trop grandes en hauteur, par sécurité.

Bandelettes de placage pour les chants du plateau

Les bandelettes sont ensuite mises en place à la colle d'os et pressées contre les chants à l'aide de longs serre-joints. La colle d'os se révèle très glissante lorsqu'elle vient d'être appliquée. Il faut bien veiller à ce que lors du pressage, les bandelettes ne se déplacent pas. Pour cela, certains ébénistes utilisaient de minuscules clous afin d'assujettir le placage bien en position avant le pressage. De nos jours l'emploi de ruban adhésif (bleu) permet d'éviter le recours à ces clous, mais il faut tout de même rester très vigilant lors du pressage.


Remise en place des chants sur le plateau supérieur.

Pour les deux côtés, il faut choisir des feuille bien veinées. Celles dont je dispose me semblent d'une teinte générale un peu sombre, il faudra mettre les parties les plus claires vers les centre des deux planches:

Tronçons de Macassar pour les côtés

Les côtés ont reçu leur placage, 




mais .... étourderie quand tu nous tiens :  heureusement que j'avais prévu de placer les plages les plus claires vers le centre ! Résultat : une grande bande d'aubier clair se retrouve au contact du pied gauche et l'effet ne me plait pas, car le contraste avec le piètement est complètement cassé, et la grosse dissymétrie de ton entre la droite et la gauche me gêne;  il va falloir reprendre cela.  La première étape est la découpe d'une bande de 30 mm sur la partie gauche par un trait de cutter. 




Puis décollage de la bande découpée. Cela me permet d'expérimenter une méthode plus simple pour décoller des placages de faible étendue : un simple morceau de papier essuie-tout replié sur lui-même et imbibé d'eau, posé sur la partie à décoller. Ensuite, après quelques heures, il n'y a plus qu'à chauffer un peu au fer, et la feuille se décolle toute seule, sans aucun dommage, ce qui me permet de la récupérer et en réutiliser une partie après séchage pour faire la transition entre la petite zone claire laissée en place et la bande de placage sombre qui viendra contre le piètement. La nouvelle version est beaucoup plus satisfaisante du point de vue esthétique, il y a un contraste complet entre les partie Macassar et les parties acajou, ce qui rend le meuble bien plus lisible :




A ce stade, bien qu'aucune finition ne soit encore en place, l'esprit du meuble renaît immédiatement: un guéridon entièrement en Macassar, sauf les quatre pied. La beauté est retrouvée par la simplicité. Mais il y a encore beaucoup de travail sur la finition de surface maintenant.

Une fois tous les placages en place, il est temps d'effectuer les retouches des petits accidents au mastic, puis de les poncer et teinter soigneusement.  

Il faut également s'occuper des parties intérieures, moins visibles. Initialement elles sont en bois presque brut et teintées d'un rouge violacé, sombre et opaque, mélangée à de la cire, probablement afin de masquer l'absence de soin apporté à ces parties. L'intention ici est de faire quelque chose d'un peu plus raffiné, sans aller jusqu'à appliquer du bois de placage vernis au tampon. Comme je ne me vois pas vernir dans ces espace où la main passe à peine, je décide d'appliquer une finition avec une huile dure ambrée. La première étape est de retirer la couche de teinte et de cire, afin de retrouver le bois. Il s'avère que la cire part assez facilement mais la teinte rouge violacée a pénétré pas mal en profondeur et malgré un ponçage soutenu, elle subsiste en partie. Je prends la décision d'appliquer une teinte discrète tirant sur un jaune assez lumineux (teinte "chêne clair") afin de retirer au moins l'aspect violacé, très artificiel, et tenter de revenir sur des échelles de teintes plus proches du brun, sachant que l'huile dure ambrée amènera une teinte encore un peu plus dorée.


Aspect après ponçage et application d'une teinte "chêne clair". 
Même si la couleur reste un peu rougeâtre, l'aspect violacée est parti.

Après cette teinte à l'eau et avant de passer l'huile dure, il faut reponcer un peu au grain 240 et 320 afin d'adoucir la surface à nouveau. L'huile dure (Blanchon)  possède une couleur ambrée qui va encore atténuer l'aspect violacé devenu brun-rougeâtre au ponçage, et amener finalement une teinte agréable. Cette huile dure est véritablement très dure, à peu près autant qu'un vernis gomme laque, en 24 à 48 heures elle se ponce sans aucun problème pour revenir au bois si besoin est, en donnant une ponçure très sèche même avec des granularités fines (grain 600). On peut donc obtenir très bel un aspect satiné visuellement et pratiquement "poli miroir" au toucher.


Ensuite, on peut passer au bouche-porage puis aux aux ultimes retouches de teinte avant le vernissage du Macassar.

A SUIVRE...

vendredi 22 janvier 2021

Un lampadaire à tablette

lampadaire à tablette art deco

Achat

 Acheté à Foix dans un élan d'enthousiasme pour l'originalité du design, ce lampadaire provient d'une demeure d'Ax-les-Thermes. Difficile de dire s'il est Arts Deco ou "Années 50", mais en tout cas ce design associant luminaire et tablette sur deux éléments séparés mais solidaires est rarissime, il m'a été jusqu'ici impossible d'en trouver des exemples similaires sur internet :

lampadaire à tablette art deco


Pour ce qui est des lampadaires à tablette, on trouve beaucoup plus fréquemment une architecture dans laquelle les tablettes sont fixées sur le fût du luminaire lui-même, soit de façon axiale, soit de façon légèrement déportée grâce à un bras. 

A l'achat, il manque toute la partie supérieure, l'état originel est donc une énigme : dispositif d'éclairage en verre ou simple abat-jour ? Deux éléments font pencher pour l'hypothèse d'un simple abat-jour: la bague sur la douille comme seul dispositif de serrage, et la faible solidité de la liaison entre le fût et la partie supérieure :



En effet, la douille n'est fixée au fût que par deux toutes petites vis (3 x 20) qui de plus prennent le bois "de bout" c'est à dire que les vis sont parallèles aux fibres du bois. Enfin, à cause de l'encombrement de la douille les deux vis se retrouvent à trois millimètres du bord extérieur du fût, avec donc un risque d'éclatement du bois en cas d'effort. Cette méthode de liaison  peu orthodoxe ne peut convenir que pour de faibles efforts, elle est incompatible avec une vasque en verre, bien trop lourde. Le programme envisagé étant précisément de coiffer ce luminaire d'un dispositif en verre pour l'éclairage, il faudra donc trouver une solution plus solide pour la liaison avec le fût.

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Choix de la vasque

Les trois possibilités envisagées initialement :

lampadaire à tablette art deco



Consulté, l'antiquaire n'a pas d'avis tranché, les trois formes peuvent convenir. La version III avec une vasque type "Mazda" ne me plaît pas beaucoup, car elle me donne un aspect trop étriqué en largeur, la plus grande vasque Mazda existante faisant 28 cm de diamètre au sommet (comme dessiné). Ensuite, entre un joli demi-globe dépoli et une vasque évasée je n'ai pas de préférence marquée, et je laisse donc le sort décider, selon ce que je trouverai. En définitive, la forme II en demi-globe s'avère peu courante. On trouve facilement des vasques de type I non percées en périphérie, mais colorées (rose, bleue,...) et nous tombons d'accord avec l'antiquaire que cela ne convient pas trop. Enfin, une vieille vasque me séduit à la brocante des Allées François Verdier. Très simple, sans aucun ornement, et très évasée, mais très grande (diamètre 50 cm). Le verre est légèrement moucheté, ce qui ne me plaît pas trop a priori, mais c'est très discret : finalement j'opte pour cette vasque. Ce choix entraîne la nécessité de retravailler esthétiquement la forme de la liaison entre le fût et la vasque. Pour les luminaires Art Deco, lorsque la vasque est très évasée en torchère, il y a très souvent une pièce métallique qui vient assouplir la morphologie de la transition entre le fût et la vasque, comme c'était d'ailleurs représenté dès l'esquisse (version I). Dans le cas présent, la nécessité vient également  du fait que le fût manque un peu de hauteur (145 cm), donc si on ne surélève pas la vasque, les ampoules seront visibles par le dessus. Enfin, dernier choix initial personnel : faire chromer au poli miroir les trois bagues en aluminium situées aux extrémités des fûts.

L'intention initiale était de dévernir puis re-vernir car le vernis gomme laque avait des rayures et des traces d'usure de-ci de-là. Mais en démontant chaque élément, il est apparu que le lampadaire était intégralement fabriqué en bois blanc, avec un décor d'imitation de palissandre, bien exécuté. Le dévernissage comportant un risque élevé d'endommager ce décor, et les accidents du vernis étant somme toute superficiels, je décide de simplement rénover le vernis. Un tampon à peine imprégné d'alcool, et une application vigoureuse de rénovateur pour vernis gomme laque donnent un résultat très satisfaisant.


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Fixation de la vasque

Pour la fixation de la partie supérieure sur le fût, après quelques tâtonnements exploratoires, il apparaît qu'une tige filetée creuse de diamètre 10.85 mm s'enfonce d'une bonne vingtaine de centimètres dans le perçage du fût, puis à partir de cette profondeur, demande à rentrer en force. C'est un hasard heureux car ce diamètre de tige filetée creuse (appelé "pas des becs") est le plus solide que l'on puisse trouver en lustrerie. Le filetage moderne en 10 x 1 mm pour les tiges creuses est un peu moins solide. Pour obtenir une fixation solide de la vasque sur le fût, il suffira donc d'enfoncer profondément la tige creuse dans le fût et ensuite de "tarauder" un peu l'intérieur du fût en vissant à force la tige à l'intérieur.  

Pour la pièce métallique de transition entre le fût et la vasque, l'idée qui me vient à l'esprit est d'utiliser une belle timbale respectant le style Art Deco. Après plusieurs achats au look plausible dans la même brocante de plein air, je choisis finalement celle qui a une rangée de larges striures vers le haut. Une seconde, devenue inutile, d'un diamètre un peu inférieur sert de flasque de serrage. Sur l'image suivante, le projet pour la fixation envisagée, d'une solidité à toute épreuve puisque la tige filetée pénètre très profondément dans le fût:




Il faut bien voir que ce qui fixe la vasque au fût, ce ne sont pas les six vis, mais le fait que la grosse tige filetée est assujettie et vissée à force dans le fût, et va chercher cette fixation à une grande profondeur. Les six vis servent à garantir la fixité du bas des timbales et ne sont qu'une sécurité supplémentaire en cas de traction du luminaire par la vasque.  Elles sont plus grandes (4 x 35) que les deux vis originelles (3 x 20), elles sont au nombre de six, et sont maintenant placées non plus en périphérie du fût mais bien au centre de l'épaisseur du bois de celui-ci.




 Il me semble qu'il ne faut pas prendre de risque avec cette étape de modification de la liaison mécanique, car une telle vasque est très lourde. Tout ceci mis bout à bout fait qu'il n'y a aucune crainte sur la robustesse de l'assemblage. C'est la timbale "intérieure" qui par serrage maintient la vasque solidaire de tout le reste.  La timbale "intérieure" est comprimée vers le bas grâce à la rondelle en bois située tout en haut, ajustée et de forme conique (une plaque métallique de même diamètre sera ensuite ajoutée au-dessus de la rondelle de bois, pour la finition, bien que cette partie soit en principe non visible).



Montage à blanc de la liaison métal/verre :




Pour l'électrification, afin de ne pas éblouir, le choix se porte sur trois ampoules fines, positionnées très bas vers le fond de la vasque:




Résultat final :




lampadaire à tablette art deco






dimanche 17 janvier 2021

Petites boîtes

Dans les brocantes, on trouve souvent des jolies boîtes à cigarettes ou cigares Art Deco, mais qui sont endommagées. Le dommage le plus courant est la charnière "piano" arrachée et la partie qui recevait la charnière fendue ou présentant des éclats, des manques. La raison est que la charnière est fixée par de très petites vis et ne résiste pas si le couvercle est soumis à un effort de pression vers le haut lorsqu'on referme la boîte en forçant dessus parce qu'elle est trop remplie (ou remplie avec des choses compressibles mais en trop grande quantité, comme une accumulation de papier pliées). En appuyant sur la face avant du couvercle pour fermer la boîte, on force sur la charnière à l'arrière et elle lâche. L'autre cause est quand on a trop forcé en ouverture, au-delà de la course autorisée, alors c'est la partie arrière de la boite qui lâche, sous cet effet d'arrachement. Détériorées, ces boîtes sont alors traités par le brocanteur comme du rebut, et mélangées avec les autres babioles dans des caisses où il faut fouiller. C'est d'autant plus regrettable que ces boîtes sont souvent d'une grande valeur esthétique au départ. Elles sont généralement en palissandre ou en ébène de Macassar, ou encore en loupe de diverses essences. Tous ces bois sont durs et résistent assez bien au mauvais traitements dans des caisses, et c'est généralement le vernis qui seul est endommagé. En définitive, le travail est souvent le même : réparer les fentes et les éclats du bois; rendre un fonctionnement fluide à la charnière un peu coincée ou tordue et la faire briller; remplacer les vis manquantes en laiton; enfin dé-vernir puis re-vernir. Tout ceci ne représente pas une grosse somme de travail, et ramener à la vie un bel objet tout simple comme celui-ci est toujours une satisfaction. Ces boîtes en mauvais état se vendent aux alentours de 15 à 25 euros.


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Boite restaurée en placage d'ébène de Macassar avec des incrustations de loupe.

Le fond de la boîte était juste un peu fendu au niveau de la charnière.


Boîte en cuir de pécari teinte cognac et poignée d'ouverture en laiton doré. 


Intérieur en cuir de chevreau noir. L'ouverture se fait par
une charnière à pivots invisible, d'une facture très soignée.
C'est le maroquinier "Longchamp" qui faisait ces boîtes. 



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Boîte en bois très sombre (palissandre teinté ou ébène
de Macassar sombre) avec incrustations de métal argenté.
Respect de la finition initiale à l'aspect "brut" (huile
d'amande douce avec quelques gouttes de térébenthine).


La boîte est entièrement en bois précieux massif.
Le prix d'achat n'était même pas au prix du bois...



Ici, il y avait à gauche un manque de bois, que j'ai remplacé par
de la pâte à bois teintée au plus proche.
Un trou de clou dans la charnière témoigne
d'une tentative ancienne de rafistolage.


Petite boite à cigarillos en acajou plaqué de palissandre de Cuba, avec des filets de laiton et fermoir en laiton :



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Petite boîte à compas en placage de palissandre de Rio, dont l'intérieur était très endommagé. Retrait complet du gainage intérieur en  tissu très abimé, refonte de toutes  les finitions et préparation de deux feuillets d'érable pour plaquer dans les deux fonds:



Etat final après collage des feuilles de placage d'érable et remontage des mécanismes:






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Jolie boîte à gants fin XIXe, en placage de bois de rose avec filets de laiton à l'extérieur et en placage de palissandre à l'intérieur. Un multitude de petits accidents de placage et deux brisures de la structure dans la partie arrière du couvercle, par efforts excessifs sur les charnières. Nombreuses heures de travail, mais satisfaction d'avoir fait revivre un bel objet en le remettant dans un état proche du neuf. Comme souvent sur les boîtes à gants de l'époque, la face avant bascule une fois le couvercle soulevé.






La propriétaire se prénommait peut-être "Eugénie" ou "Elisabeth", car la marqueterie forme
des motifs de E enlacés en carrés par quatre



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