Achat
Séduit par un objet dans une boutique toulousaine proposant une "sélection d'objets": un nécessaire de fumeur compoosé d'un plateau avec trois boîtes assorties. Difficile à dater car la ligne est très sobre et intemporelle, entre 1930 et 1950, et plus probablement vers 1930. Les partie sombres sont en placage de palissandre ou de Macassar, les partie claires doivent être en placage d'érable ou d'une essence similaire.
C'est un objet ayant vécu, avec les usures du temps visibles. L'achat se faisant sur place, il est possible de se rendre compte plus précisément. Sur toutes les surfaces, le vernis a mal vieilli. Il est craquelé, tuilé, grisé, partiellement opacifié, et présente de nombreux manques aux endroits où les doigts ont porté de façon répétée pour l'usage. La structure des boîtes elles-mêmes est bonne, mais c'est le plateau qui a le plus souffert : le placage du dessus présente une grosse cloque d'environ 6 cm de diamètre; et sur le dessous, le contreplaqué a dû connaître l'eau si bien que les couches se sont décollées et gonflées en de nombreux endroits sur de grandes étendues. Le voici au déballage dans l'état initial :
Le vernis étant craquelé, les fentes retiennent la poussière, se salissent et deviennent blanchâtres à la longue; c'est bien visible sur les poignées du plateau. Pour le Macassar la teinte générale est très altérée : il y a des parties grisées (vernis), des parties blanchâtres (fentes), et les parties presque noires restent très sombres, si bien que finalement, il y a un contraste artificiellement grand, ce qui est visible sur l'image. Pour les caisses des boîtes, le fait que toutes les arêtes soient dévernies rend l'aspect peu attrayant, au moins vu de près.
Tout ceci mis bout à bout, et curieux du challenge que cela représente, je décide d'opter pour une restauration de l'objet : réparation des cloques et décollements, puis reprise complète des vernis; les chromes sont en parfait état, il n'y a rien a refaire.
Le dessous du plateau présente de multiples décollements des couches du contreplaqué. Chaque fente sombre correspond à un décollement qu'il faudra réparer.
Le profil inférieur du plateau est assez gondolé (posé, il est bancale).
Reprise des cloques à la colle vinylique injectée en sous-cutanée. Une fois que les plus grosses cloques sont recollées, il faut regarder qu'il n'en reste pas de plus petites, en baladant le dos de l'ongle sur le bois et en écoutanrt s'il n'y a pas des endroits où le bois sonne plus creux. Il faut repérer ces endroits et recoller ces petites cloques résiduelles, moins visibles.
Il ne faut pas avoir peur de décoller un peu plus avec le tournevis, car si cela vient c'est que cela ne tenait plus bien. Le recollage de la cloque sur le placage de la face supérieure du plateau se fait de la même façon. La cloque n'étant pas fendue mais seulement gonflée, il faut percer le bois du placage. Il faut donc prendre l'aiguille la plus fine possible (0.8 mm de diamètre), afin que les trous d'injection ne se voient pas. Avec la colle vinylique (qui rappelons-le n'est pas réversible et ne doit donc pas être utilisée pour des objets de valeur), il est important également de ne pas laisser sécher trop longtemps avant de retirer les presses, sinon les excédents de colle seront très difficiles à éliminer à l'éponge.
L'aspect tuilé du vernis apparaît clairement en lumière réfléchie :
Le grisage, l'opacification et les manques, en lumière du jour rasante :
Pour le dévernissage, l'alcool se révèle sans effet, tandis que le diluant cellulosique attaque peu à peu en laissant un dépôt blanc : c'est donc du cellulosique. Mais le retrait du vernis est difficile, il ne part que par petites quantités et le vernis dissous a tendance à entrer dans les pores en les remplissant de dépôt blanc. Il faut alterner ponçages et passage du diluant un grand nombre de fois en frottant fort dans le sens des pores et en changeant constamment le morceau d'essuie-tout. C'est assez laborieux et inquiétant car on se demande si on parviendra à tout enlever. Evidemment pour les ponçages de cette étape, il faut poncer très légèrement à la cale et avec du papier suffisamment fin (320 par exemple) pour ne pas manger tout le bois. Seule consolation par rapport à d'autres traitements de surface, le papier de verre ne s'encrasse pas beaucoup. Tant que les pores ne sont pas exemptes de traces blanches, il faut persévérer, sinon ces traces vont venir tout gâcher visuellement lors du re-vernissage. Au bout d'une suite d'alternances ponçage/nettoyage qui paraît interminable, la poudre de ponçage ne contient plus du tout de jaune et prend une belle couleur uniforme de cacao foncé. Ouf ! Une boîte (à peu près) dévernie et une autre dans l'état initial :
Ne connaissant pas l'effet final du vernis gomme laque sur le bois clair, et craignant que le résultat ne soit trop clair, je décide de re-vernir les boîtes au cellulosique, à l'identique. Faire du vernis cellulosique au pinceau fut une expérience douloureuse qui n'est à conseiller à personne. J'ai été obligé de travailler très vite (ce vernis ne tolère pratiquement pas un deuxième coup de pinceau, qui rend la surface toute rêche, malgré des pinceaux d'excellente qualité, au poil très fin et très dur), de re-poncer à mainte reprise, et de finir par un produit spécial pour éclaircissage de vernis cellulosiques, qui était soit trop efficace (vernis frais, il retire et "brûle" tout) soit pas assez (vernis sec, il n'a pas d'action clairement visible). Je ne recommencerai pas l'expérience.
Pour les parties en Macassar, pas de problème, après un léger ponçage avec une montée en grain jusqu'à 1200, le tampon du vernis gomme laque glisse sur le bois dur comme sur un nuage immatériel. C'est un délice. Les pièces étant petites, il est préférable d'utiliser un tampon de petite dimension (environ de la taille d'une noix ou d'une balle de ping-pong). Le résultat final est d'une teinte beaucoup plus homogène, et d'une texture plus lisse, plus soyeuse :
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