mardi 24 janvier 2023

Bouche-pore traditionnel : ce que j'en comprends

 Tout d'abord, il faut bien distinguer les pores des crevasses. Sur les bois durs mais fibreux comme l'ébène, les crevasses sont dues à des arrachements localisés de fibres du bois, soit au sciage ou déroulage, soit lorsque on retire un morceau de ruban adhésif que l'on a dû placer pour une raison quelconque et que quelques fibres y restent attachées.  

Choix du ruban adhésif et techniques d'arrachage

Le choix du ruban adhésif pour le placage est crucial : s'il est trop puissant, les risques de défibrement à l'arrachage sont élevés. Il convient donc d'utiliser un ruban adhésif de force d'adhérence moyenne ou basse. D'autre part, le type de ruban est important aussi, il ne faut surtout pas utiliser de ruban brun fin brillant (type "déménagement"), car souvent à l'arrachage, l'adhésif lui-même se détache du ruban de plastique et reste sur le bois (surtout si on a laissé en place le ruban plus de 24 h). Ce résidu de colle est souvent rebelle et ne s'élimine qu'à l'acétone assez laborieusement.


Il faut donc utiliser du ruban épais dont le support est en papier et de faible adhérence. On trouve du ruban de peintre "bleu" en grande surface bricolage qui convient bien. Un autre type de ruban de peintre, mauve qualifié de "sans dommage" convient aussi. Certains rubans de peintre traditionnels (jaune/beige) de faible adhérence pourraient peut-être convenir, je n'ai pas testé, mais il ne faut pas qu'il soit crêpé car cela compromettrait la précision du maintien des pièces de placages à coller par rapport au support. Enfin, le procédé traditionnel pour maintenir le placage lors du collage, vendu en magasin spécialisé d'ébénisterie, est d'utiliser des rubans spéciaux en papier gommé, mais là aussi, je n'ai pas testé. Pour ces derniers, l'arrachage se fait alors à l'aide d'eau et par simple grattage, je crois, le papier lui-même n'étant pas assez résistant pour être arraché d'un seul morceau une fois collé.

Néanmoins, même en utilisant un ruban du commerce faiblement adhésif, le risque de défibrement subsiste. La façon de procéder pour l'arrachage est là-aussi importante. Pour minimiser l'effort de traction, la meilleure technique d'arrachage est, me semble-t-il, la suivante:

1) Il faut retirer le ruban en le plaquant et non en l'arrachant perpendiculairement:


En effet, l'effort d'arrachement est bien moindre en procédant ainsi. Il faut aussi procéder lentement, car à cause des propriétés mécaniques de l'adhérence, l'effort d'arrachement est proportionnel à la vitesse de traction.  Enfin, mais je n'ai pas de preuve tangible, la température joue peut-être un rôle, car les adhésifs tendent à se ramollir avec la chaleur, les rendant donc moins... adhésifs.


2)  Ensuite, il faut veiller à ne pas tirer le ruban de telle sorte que la ligne de décollement soit parallèle aux fibres du bois, mais au contraire le plus perpendiculaire possible:


Importance du sens de décollage

En effet, si la ligne de décollement est parallèle aux fibres, alors, la traction d'arrachage s'exerce sur une seule fibre à la fois, sur toute la longueur de cette ligne, tandis que dans le cas inverse, la traction est répartie sur beaucoup de fibres et chacune n'est sujette à la traction que sur une portion infinitésimale de sa longueur. Certains bois très fibreux sont particulièrement sujets à l'arrachage de fibres lors de ces opérations de retrait de ruban adhésif lorsqu'ils sont encore brut de sciage  ou de ponçage (notamment les ébènes et palissandres...).


Pores vs. crevasses

 Les crevasses sont des accidents superficiels qui je pense surviennent au sciage, ou alors sont naturels dans le bois. Ces crevasses se montrent sous la forme de zones en creux parallèles au fil, sur une longueur d'environ 1 cm et 0.5 ou 1 mm de largeur. Pour ce qui est de la profondeur, c'est plutôt de l'ordre de 0.1 ou 0.2 mm, mais certaines crevasses plus profondes peuvent atteindre toute l'épaisseur de la feuille de placage (0.6 mm) et créer ainsi une lacune au travers de laquelle on voit le jour (cette portion de feuille est alors non facturée, normalement).

Le bouche-porage élimine ou atténue les irrégularités de surface que constituent les pores, mais reste sans effet sur les crevasses, d'étendue et de profondeur trop importantes. Pour les zones crevassées, le mieux est d'utiliser une pâte à bois, préalablement teintée au plus proche puis poncée. Ce n'est qu'une fois cette opération terminée qu'on peut passer au bouche-porage proprement dit. En d'autres termes, avant le bouche-porage, il faut traiter les petits accidents et les crevasses avec une pâte à bois ou un mastic.

La ponce soie

Citons une phrase trouvée sur internet:

Ponce soie : variété de poudre de ponce à granulométrie très faible (fine) permettant le polissage ou est aussi utilisé pour le remplissage des pores lors de l'application d'un vernis au tampon. Le terme "soie" vient du fait que la ponce pulvérisée passe par un tamis de soie (ou équivalent en taille).


Geste technique

Pour bouche-porer, il faut mettre très peu de ponce soie sur le support, en tapotant légèrement une petite poche de tissu qui en contient. Il ne doit pas y avoir de monticules de poudre, mais seulement un petit nuage poudreux ténu à la surface, en quelques endroits.

Matériel bouche-pore: petit sac de ponce soie, alcool à 95°, et 
un morceau de tissu de lin avec un peu de mèche coton à l'intérieur.
Les dépôts de poudre doivent être très légers, sans excès.
Une ponçure brunâtre se forme du fait de l'abrasion, et tombe (premier plan).

Il faut faire un tampon comme celui utilisé pour vernir, mais avec un tissu grossier et très solide, raison pour laquelle le lin -très résistant- est préférable ici. Du coutil de coton grossier (ex: blue-jean) conviendrait peut-être également. Il va falloir humecter le tampon avec de l'alcool, comme on le fait pour du vernis, puis venir frotter par des mouvement circulaires la surface du support préalablement poudrée en appuyant très fort. Le but de l'opération est double (de mon point de vue) : primo, par l'effet abrasif de la poudre de ponce soie, il va se produire une poudre de ponçure du bois,  et par l'effet liant de l'alcool, cette ponçure va former une sorte de mastic-couleur-bois qui du fait de la forte pression exercée sur le tampon, va être plus ou moins forcée de s'insinuer dans chaque pore; secundo, la poudre de ponce soie est un abrasif extrêmement fin (peut-être 2000 ou 4000, on pourrait même parler de polish plutôt que d'abrasif), et le fait de poncer avec le tampon en tissu imprégné de cet abrasif, va lustrer la surface du bois, de telle sorte que l'aspect de surface après le bouche-porage ressemble déjà à celui d'un vernis, avec un poli brillant et lisse.

En ce qui concerne la quantité de ponce soie à saupoudrer, il faut comprendre que le but de l'opération n'est pas de fabriquer une purée que l'on étale sur le support, mais plutôt de transformer le tampon en une sorte de toile émeri juste suffisamment abrasive pour jouer son rôle. Il faut donc mettre le minimum de poudre possible, quitte à en rajouter un peu si l'on sent que le tampon n'est pas vraiment abrasif (bruit pas assez "rêche"). Si on prolonge l'opération, on peut en rajouter en cours de route. Le plus souvent, je ne fais que deux saupoudrages, l'un après l'autre dans la foulée. Certains vernisseurs préconisent un certain délai (1 à 15 jours) entre deux séances de bouche-porage, afin de laisser solidifier ce qui a réussi à rentrer dans les pores à la première séance. Ceci est peut-être valable pour un résultat absolument parfait, mais tout faire le même jour donne déjà un résultat satisfaisant à mes yeux, disons un semi-bouche-porage.  

Il faut donc faire plutôt des cercles en appuyant très fortement le tampon, et en le ré-humectant d'alcool de temps en temps, lorsqu'il devient trop sec.  Globalement, c'est une opération assez fatigante. 
Le tampon s'use assez vite et il faut le changer dès qu'il se retrouve troué. Utiliser un tampon de dimensions un peu larges permet de trouver une autre zone du tissu qui est en en bon état en déplaçant simplement les mèches de coton, sans avoir à changer complètement le tampon dès qu'il est usé à un endroit.

Lorsqu'on considère que les pores sont suffisamment bouchées, il faut éliminer le film  un peu rugueux et rêche qui a pu se former à la surface en certains endroits. Pour cela il faut ne plus ajouter de ponce, et humecter le tampon plus souvent, et aussi appuyer de moins en moins. A la fin, on a un tampon assez humide, et on n'appuie presque plus. La saleté du support se transfère sur le tampon ou tombe sur les côtés.  A la fin de cette opération, on peut utiliser un tampon propre pour faciliter  cette étape de nettoyage.   Il peut être utile de vérifier le résultat à contre-jour en lumière rasante, afin de contrôler qu'il n'y a plus de résidus de ponce agglutinée à la surface. Une fois la surface bien bouche-porée et débarrassée de tous ces résidus de "pâte abrasive", la surface apparaît lustrée, lisse et brillante, un peu comme un vernis.

mardi 17 janvier 2023

Une petite tirelire Napoléon III

Quittons un peu l'époque Art Déco, avec une petite tirelire Napoléon III en placage de loupe de noyer ou d'orme et bois de rose;  le couvercle est décoré avec des filets en laiton et ébène, et avec une inclusion de laiton en son centre. Passablement abîmée, avec des dégâts de surface mais aussi structurels, elle me faisait pitié dans une brocante à Foix. Les côtés sont presque tous décollés, les petites pièces d'angle aussi, et il y a des petits manques de placage. Les parties laitonnées sont en bon état, et détail méritant d'être signalé, la clé était présente. Le démontage de la serrure permet de mettre en évidence une inscription "Breveté SGDG  *  M.L". Du coup, j'ai aussitôt pensé qu'il s'agissait d'une tirelire début ou milieu XXe, mais en fait non, la réglementation du Brevet SGDG (sans garantie du gouvernement) date en fait de 1844, c'est à dire tout à fait compatible avec un objet d'époque Napoléon III.

Façade de la petite serrure



Etat des lieux après un premier nettoyage:

1, 3, 4 : petites pièces d'angle décollées.
2 : pièce manquante laissant voir un des côtés décollés (fente).
                                         

1 : la petite pièce a été recollée à l'envers ! (chanfrein à dr.) 
2 : petite pièce et côté décollé. 
3 : manque de placage loupe de noyer ou orme

Les bronzes sont en bon état.



Il faut d'abord recoller les côtés. L'assemblage n'est pas réalisé par des tenons, mais par simple collage bord à bord, ce qui explique peut-être les nombreux décollements. Certaines petites pièces d'angle arrondies sont aussi décollées ou peu adhérentes. En définitive, je crois les avoir toutes recollées ou presque : à chaque fois que je travaillais dans une zone, la pièce d'angle sonnait creux, et finalement se décollait sans aucun effort. Pour les recoller, le plus simple est de fabriquer une équerre et une contre-équerre, sinon le serrage est problématique (les côtés correspondants doivent avoir été solidement recollés au préalable, étant donné la contrainte en éclatement créée par ce serrage, malgré la présence de la contre-équerre à l'extérieur).


vaste question ...




Ensuite, il faut refaire une nouvelle pièce d'angle pour la petite partie manquante. Il est important de noter que ces pièces ont réalisées dans le travers du bois, c'est à dire que le fil du bois est perpendiculaire à la longueur, ce qui rend les pièces fragiles car elle sont très fines (1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur). Il faut donc utiliser un bois très dense, sous peine sinon de ne jamais parvenir à réaliser le petit profil de ces baguettes. 



N'ayant aucune idée de l'essence utilisée originellement, je choisis un morceau pris sur un arbuste de mon jardin, dont je n'ai jamais réussi à déterminer l'espèce, mais qui est très dur, presque autant que le buis, avec de jolies moirures une fois verni, et dont la teinte dans le coeur est proche de celle des baguettes originelles.

!! Edit : il s'agit de bois d'Alaterne ! (a.k.a nerprun alaterne)


Arbuste du jardin, dont j'ignore le nom, avec un bois très dense; 
à g. échantillon poncé, à dr. brut de fendage.
  

La réalisation de cette baguette est un défi  : 10 mm de large, 1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur, profil en quart de rond chanfreiné à l'arrière, avec les arêtes à 45°, le tout dans le bois de travers ! Il y a intérêt à procéder très soigneusement si l'on veut que le résultat soit satisfaisant. Après réflexion, la meilleure méthode, me semble-t-il, est la suivante : d'abord dégrossir au mieux mais un peu largement (profil rectangulaire 12 mm x 2 mm) puis réaliser trois petits tronçons de 20 mm. Ces trois tronçons seront collés fortement et bien alignés, sur un tasseau de sapin d'une longueur d'environ 15 cm, à une certaine distance les uns des autres.  C'est le petit tronçon du centre, le plus précis, qui sera utilisé à la fin. Une fois ceci réalisé, continuer l'approche du profil à la lime à métaux en procédant délicatement, jusqu'à obtenir un profil rectangulaire ou légèrement arrondi, pratiquement à la bonne côte (10.5 mm x 1.8 mm). A ce stade de précision, les mesures doivent se faire au pied à coulisse. Le profil final est ensuite obtenu par ponçage, l'intérêt d'avoir trois petits tronçons espacés est que la matière à retirer par ponçage est minime, mais que la précision du ponçage est tout de même grande car la pièce à poncer repose sur une base de longueur  importante (15 cm). Il est crucial que la feuille de ponçage (ici grain 180) soit collée sur une planche, car si elle est laissée libre, l'effort du ponçage produit toujours un bourrelet (imperceptible) du papier de verre devant le bord d'attaque de la pièce poncée, et produit un profil peu précis, au niveau de ces bords d'attaque.

Imprécision du résultat au niveau des bords d'attaque si le papier de verre n'est pas collé



Pour assurer que les arêtes latérales soient bien à 45 °, le plus simple est de réaliser un guide à cet angle. Ensuite, il n'y a plus qu'à amener le profil en douceur  jusqu'aux dimensions finales en ponçant longitudinalement sans oublier de changer le tasseau de sens périodiquement afin de compenser les différences d'appui naturelles de la main.

Papier de verre collé, et équerre de guidage pour les arêtes.

Le profil terminé, il ne reste plus qu'à décoller les morceaux.

!! THE PIECE !!



Après recollage de la pièce manquante, et remplissage des petits accidents avec de la pâte à bois, l'ensemble peut être poncé une dernière fois avant l'application du vernis gomme laque au tampon. 
Une fois de plus, il apparaît clair qu'un bouche-porage ancien bien réalisé n'est jamais retiré par le dévernissage et par le reponçage léger. Pour ces restaurations, il suffit donc d'appliquer le vernis,  sans avoir à reprendre le bouche-porage. 

Concernant le rebouchage des petits accidents avec de la pâte à bois, plusieurs remarques : primo, lla teinte de la pâte après ponçage est souvent très décevante (beaucoup trop blanche en général). Le teintage de la pâte dans la masse est souvent peu convaincant (pour une pâte à l'alcool ou à l'acétone, utiliser une teinte à l'alcool, pour une pâte à l'eau, une teinte à l'eau), et ne résout pas vraiment le problème, et ajoute le problème supplémentaire d'une pâte qui devient trop diluée, trop fluide et donc sujette à encore davantage de retrait au séchage. Il faut donc se résoudre à des retouches successives de couleur sur la zone réparée. Le mot "successif" est utilisé à dessein, car la teinte de la pâte poncée étant très éloignée de la teinte cible, il faudra en général plusieurs couches de retouche pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Pour ces petits objets, il convient d'utiliser un tampon de petite dimension (taille d'une noisette), et de vernir plusieurs objets à la fois (dans le cas présent, une boîte à cigares mid-century). En effet il est essentiel que le vernis puisse "prendre" légèrement durant une ou deux minutes entre deux passages successifs du tampon. Il faut absolument éviter d'être trop "gourmand" et vouloir repasser deux fois de suite sur une zone donnée dans un intervalle trop rapproché : c'est la garantie de l'échec, c'est à dire d'un vernis qui accroche et devient rugueux, de façon difficilement récupérable et psychologiquement éprouvante car normalement chaque séance de vernissage doit toujours nous faire approcher du brillant final, et non régresser vers le mat initial de la première tamponnée de charge. Une séance de vernissage pour de tels petits objets est donc très courte, une dizaine ou une vingtaine de minutes tout au plus, pour deux objets, avec un repos de 24 h ou mieux 48 h entre deux séances. Pour les deux objets, on veille à vernir en respectant un cycle immuable dans l'ordre des faces (ex les côtés de l'objet A en partant de la façade, les côtés de B idem, le dessus de A, le dessus de B, etc.), ceci afin de maximiser le temps de séchage entre deux passages du tampon sur une même zone.  Si, par fantaisie, on ne souhaite pas respecter ce cycle, on peut aussi patienter un peu entre deux tamponnées, mais alors le tampon inactif sèche à l'air libre, ce qui n'est pas très bon (et cela fait perdre du temps). Le mieux est donc d'essayer de se tenir à cette "discipline", tout de même pas très contraignante. 

C'est toujours le vernis nous indique qu'il est temps d'arrêter la séance : chaque nouvelle charge devient laborieuse, le tampon se met à glisser de moins en moins bien à chaque nouvelle tamponnée (à chaque nouvelle recharge du tampon en gomme laque). Quand on arrive vers la fin de la séance, c'est alors qu'il convient d'être le plus intransigeant sur l'épuisement du tampon: il faut absolument continuer à glisser le tampon qui devient presque sec mais pas tout à fait (on peut le remplir très légèrement d'alcool pur s'il devient trop sec, afin qu'il se remette à "travailler" davantage,  mais alors les premières trajectoires doivent être très rapides pour éviter tout risque de "labour").  Répétons-le, c'est le glissement inlassable du tampon de plus en plus sec qui provoque le "lustrage" qui va faire que cette séance nous approche un peu plus du brillant final par rapport à la séance précédente.  Au passage, on note que plus le tampon sèche, plus on peut se permettre d'appuyer (légèrement) plus fort, et plus le mouvement doit devenir lent. L'objectif est de garder une glisse "lisse" et "silencieuse". Un tampon qui lustre correctement glisse avec certes une résistance, un freinage, mais sans rugosité, et cela s'entend à la qualité du "silence" de la glisse.



La restauration de ce petit objet m'a permis de me familiariser avec les techniques de base (colle d'os, découpes fines), formation utile pour un projet plus important qui me tient à coeur depuis un certain temps, et que je ne voudrais pas louper: la restauration complète d'un grand miroir Art Déco avec un bas-relief en plâtre au-dessus (plutôt un trumeau donc)


Etat final

Face avant




Côté et arrière



Intérieur

mardi 27 décembre 2022

Un guéridon plutôt énigmatique

Attaquons-nous à ce guéridon ou "bout de canapé" acheté au Forum des Antiquaires il y a un certain temps et qui était en sommeil dans un coin en attendant le moment propice. Quelque semaines d'inaction forcée me décident à passer à l'attaque.  Comme on dit en immobilier "belles potentialités", ou dans le jargon éducatif "bonne marge de progression" : il y a une base intéressante, mais le rendu est un peu décevant, et beaucoup d'accidents à reprendre.



Aspect initial

C'est un meuble à système, avec tiroir et plateau ouvrant dans sa partie centrale, découvrant des petits rangements au-dessous. Il pourrait s'agir d'un meuble de fumeur étant donné qu'il y a pas mal de petits rangements, et que le bord du tiroir marqué de noir a manifestement servi à poser des cigarettes ou cigares, un peu comme les touches en ivoire des octaves aigües de certains pianos de music-hall...

 La première question, avant d'agir en quoi que ce soit, est de savoir à quelle époque et à quel style ce meuble appartenait. Certains indices font pencher pour l'époque Art Déco tardif (l'emploi du Macassar, le bouton de tiroir), mais l'aspect général semble plutôt incliner pour une époque plus vintage, disons années 1950, notamment la pauvreté de certaines finitions dans la partie médiane, plutôt flashy et peu en harmonie avec le plateau. Le travail de restauration mené ici m'a imposé une longue enquête, développée intégralement ci-dessous afin de servir de justification aux divers choix de restauration que j'ai effectués,  enquête longue dont la lecture peut être évitée en passant directement à la section "restauration".


Bouton de tiroir. Infimes accidents de placage en façade du tiroir. 

Afin de préciser la chronologie, une question serait de savoir si les charnières invisibles du plateau, à effacement total (s'ouvrant à 180 °) existaient à l'époque Art Déco, mais elle reste sans réponse pour moi actuellement(*). Autant une poignée de tiroir peut-être changée au gré des envies et ne permet donc pas nécessairement de dater un meuble avec certitude, autant la forme des charnières semble ici indissociable du design initial de ce petit meuble à système et pourrait donc servir à fournir un terminus a quo pour ce qui est de la période de fabrication. L'intérêt de ces charnières est que une fois ouvert, le battant du plateau vient reposer complètement à plat sur la partie dormante, en ayant effectué une rotation de 180° sur lui-même. Personnellement je n'ai jamais rencontré de charnières aussi "techniques" sur un objet Art Déco, mais après tout ces charnières sont constituées d'éléments qui individuellement sont très simples, et elles sont entièrement démontables par retrait de deux goupilles métalliques. Ces deux caractéristiques sont typiques de l'esprit Art Déco, donc tout bien pesé, il n'est pas totalement impossible en définitive que ces charnières soient d'époque Art Déco. La partie en fonte moulée d'une des deux charnière était brisée, et il m'a donc fallu la recoller  (à la colle epoxy).

(*) Edit ultérieur: La réponse se trouvait sur les charnières elles-mêmes! Avec une loupe, minuscules inscriptions: SOSS-NY au centre , et  PAT. 08 MAR. 3 sur un côté de la charnière. Après recherche internet cela signifie que le brevet est du 3 Mars 1908 déposé par Joseph Soss.  Le premier brevet de charnière par Soss remonte à 1903. De nombreux autres brevets et améliorations déposés ensuite au fil des années jusque dans les années 1930. Il est plus probable d'utiliser un modèle daté de 1908 sur un meuble fabriqué vers 1920 ou 1930 que sur un meuble fabriqué vers 1950 ou 1960, pour lequel des charnières plus perfectionnées auraient été disponibles. L'époque Art Deco du meuble originel est donc, selon moi,  définitivement attestée grâce à la quincaillerie. Voir un modèle un peu similaire sur ce brevet daté de 1911 :  https://patents.google.com/patent/US1009108 .


Détail des charnières invisibles SOSS. N-Y (brevet 3 mars 1908)


Concernant le style du meuble, mon interprétation est qu'il s'agit d'une création d'époque Art Déco (moderniste, tardif, disons fin des années 30), mais remaniée par la suite dans un style plus vintage au cours des années 50 ou 60. Expliquons maintenant les raisons qui conduisent à penser ceci. Et pour cela, suivent tout d'abord une description et un examen critique détaillé. C'est un peu long mais sans ce cheminement, impossible de savoir comment restaurer le meuble, comment agir, jusqu'où aller; impossible de démêler ce qui est l'intention initiale, et ce qui au contraire participe d'un remaniement plutôt bâclé à mon sens, sur lequel on peut revenir complètement, sans remord. Pour jauger cela, il faut des éléments, des preuves.

Description:

Le plateau supérieur s'ouvre dans sa partie centrale pour découvrir trois compartiments intérieurs en contreplaqué de 8 mm teinté, d'une teinte violente, tirant entre acajou-bordeaux et sang de boeuf. Sur un des côtés du meuble, un petit tiroir monté à queues d'arondes, en acajou massif sauf pour la base qui est en contreplaqué de 5 mm. La façade du tiroir est en placage d'ébène de Macassar avec une orientation de fil verticale. Il n'y a pas de raison de penser que le bouton du tiroir n'est pas d'origine (sauf peut-être un petit percement secondaire, juste au-dessus).  Du côté opposé au tiroir, un simple alvéole de mêmes dimensions, dont l'intérieur est lui aussi teinté de ce même rouge assez violent. 

Les deux plateaux sont en contreplaqué épais (22 mm, trois plis 2-18-2 mm, procédé courant aux débuts de la technique du contreplaqué) recouvert d'un placage en ébène de Macassar de belle allure, bien veiné et bien contrasté. Les chants du plateau supérieur sont aussi plaqués en Macassar, mais avec partout un fil perpendiculaire au plateau (fil vertical). Tous ces chants en Macassar sont fortement dégradés. Les chants du plateau inférieur sont une véritable énigme à eux seuls: trois d'entre eux sont en placage d'acajou, et le dernier en placage de Macassar peu contrasté, ou en palissandre. Ces quatre chants sont posés avec un fil parallèle au plateau (fil horizontal).  Le dessus du plateau supérieur possède, approximativement en son centre, une inclusion octogonale de marqueterie de facture assez grossière, et assez peu esthétique : un filet de Wengé ou d'ébène noir, et au milieu un octogone de ce qui semble être de l'acajou légèrement flammé ou une ronce de noyer grossière, dans un choix de feuille apparemment fait sans aucun souci esthétique. Notablement, cette inclusion de marqueterie possède un aspect de surface mal fini : dénivelés, nombreux défibrements pour l'ébène, et pour la partie centrale, mal aplanie, des parties du décor encore rugueuses, même pas poncées !

Le plateau intermédiaire (base des compartiments et assise du tiroir) est en contreplaqué de 5 mm. Les quatre chants de cette planchette sont non apparents: ils sont masqués sur les deux côtés sans tiroir ni alvéole, par une planche de côté en acajou massif, à la surface mal dégrossie et encore une fois, violemment teintée, et sur les deux autres côtés, par deux tasseaux d'entretoise en acajou massif également, tous deux de finition différentes : l'un est  non teinté,  avec un état de surface mal dégrossi, l'autre (coté tiroir) est en placage de Macassar,  à fil vertical comme le tiroir.

Tasseau d'entretoise mal dégrossi
(traits de sciage visibles après retrait de la teinte)



Les quatre montants du piètement sont en acajou blond massif, avec trois cannelures en creux sur toute leur longueur. Ici aussi, c'est un beau choix des pièces de bois, délibérément peu contrastées, avec un veinage assez neutre pour ne pas venir interférer avec la flamboyance du Macassar qui se suffit à elle-même. Seules petite réserves, des différences notables dans la couleur du bois d'un pied à l'autre, et le fait que un des pieds présente une nodosité vers le bas, ce qui exclut de facto l'exécution par un ébéniste de renom, qui ne se serait jamais permis cela.

Tous les assemblages et placages sont réalisés avec de la colle d'os.  Pour ce qui est des finitions de surface, l'ensemble du meuble semble avoir subi dans son histoire un ou plusieurs passage à la cire.  Pour ce qui est du Macassar on trouve cette cire puis directement le bois brut.  Sur les côtés et entretoises, la violent teinte rougeâtre recouvre directement le bois brut. On pourrait d'ailleurs plutôt parler de peinture que de teinture, tellement le rendu est opaque, masquant presque totalement le veinage des bois sous-jacents. Sur le piètement,  la teinte rougeâtre et opaque est mélangée à un vernis fragile ou dégradé (il s'élimine même aisément à l'ongle). Une fois celui-ci retiré, on accède encore à une couche de cire, puis enfin le bois brut. La cire est donc présente presque partout à la surface du meuble, directement à l'air pour le Macassar, ou sous un vernis pour le piètement. Un bon décirage va s'imposer.


Examen critique

L'examen attentif du meuble amène à se poser des questions esthétiques et stylistiques. Voici les éléments glanés au fil des découvertes.

- D'abord, il devait y avoir initialement deux tiroirs, et non un tiroir et un alvéole. En effet, les quatres montants latéraux on tous un épaulement dont l'utilité est claire: ces épaulements servent à stopper l'ouverture du tiroir en position presque sortie, grâce à deux petites goupilles en bois dépassant des deux côtés du tiroir. Ces goupilles sont simplement insérées "à gras" est se retirent aisément. Pour un ébéniste, il n'y a aucune raison valable de pratiquer ces deux épaulements gratuitement si l'alvéole de ne doit pas recevoir de tiroir, car sans tiroir, les épaulements deviennent visibles. Un ébéniste, même moyen ne se permettra pas un tel préjudice visuel, sans compter le surcroît de travail, lesdits épaulements ayant clairement été réalisés à la main. Autre indice éliminant les derniers doutes : la trace très nette à l'intérieur de l'alvéole de deux tasseaux de guidage latéral de tiroir retirés ultérieurement. Il est donc prouvé qu'il y avait originellement deux tiroirs et non un, l'un d'eux ayant été perdu. L'alvéole ainsi créé a été passé intégralement "au rouge", comme beaucoup d'autres parties.


Trace de décollage du guide latéral (flèche de g.) et épaulement d'arrêt (flèche de dr.) dans l'alvéole.


- L'état très dégradé des chants du plateau supérieur pose lui aussi question. Assurément, les chants à contre-fil sont toujours plus fragiles que les chants dans le fil, surtout si leur bordure a été mal chanfreinée, mais là tout de même, c'est catastrophique. Soit l'apprenti avait trop chauffé la colle d'os le jour où les chants ont été posés (diminuant par là ses performances), soit le meuble a connu une très forte humidité et une forte chaleur (hammam?). Néanmoins, dans cette dernière hypothèse,  les autres placages auraient aussi été décollés, ce qui n'est pas le cas. Il ne reste donc pour moi qu'une défaillance de la colle ce jour-là, associée peut-être à un manque de soin pour les chanfreins de ces chants posés à contre-fil, en un endroit saillant du meuble, où la colle est donc plus intensément sollicitée en arrachement.


Chants très dégradés, aspect terne du Macassar, et  "peinture" rouge sur l'entretoise à gauche


- Les parties en Macassar sont mates et d'aspect assez brut quoique soigneusement poncées. Le meuble était-il initialement vernis, et a-t-il été déverni pour le mettre davantage au goût du jour des années 50 ?

- Sous toutes les parties teintes ou plutôt peintes en rouge vif, l'état de surface est toujours mal dégrossi : on trouve des zones non correctement poncées et des traces de dents de scie à ruban : l'état est brut ou presque. Il semble n'y avoir aucun doute que cette teinte opaque a été appliquée comme cache-misère en ces endroits-là, suite à la dépose d'un placage, probablement trop dégradé pour être conservé.


Le "rouge intégral" sur les côtés et les pièces d'entretoise.
Sur le piètement, le pigment rouge est mélangé à un vernis peu adhérent.
Par contraste la teinte du Macassar apparaît comme d'un brun-verdâtre peu flatteur...


Sous la peinture des planches de côtés, la misère :
traces de sciage (à dr.), zones en creux non poncées (à g.)

Programme à suivre pour la restauration


Vraisemblablement, il s'agit donc d'un meuble Art Deco élégant et de bonne facture sans être une oeuvre d'art non plus, mais ayant subi en quelques décennies un dommage important (décollement d'une bonne partie des placages de chants et des côtés). Il a ensuite (vers les années 50 ou 60) été amené chez un menuisier de piètre talent pour être remis dans un état acceptable. A cette occasion, une part significative des placages en Macassar a été déposée et remplacée sur le bois tel quel (pratiquement brut) par une teinture/peinture rougeâtre afin de masquer les défauts. Le piètement a lui aussi reçu une teinture, mais intégrée à un mauvais vernis. Peut-être à cette occasion aussi, l'inclusion de marqueterie médiocre a été réalisée, suite à un dommage sur le plateau, souvent dû à une soucoupe de pot de fleur trop poreuse.

Mon programme est de revenir à un état proche de l'état initial déduit de cette enquête. Retrait de toutes les teintes rouges, remplacement des placages abîmés, remise en place des placages qui ont été retirés dans les années 50/60 sur les côtés et les entretoises.  Les placages de Macassar seront recouverts d'un vernis gomme-laque doré, appliqué au tampon, afin de leur redonner toute leur noblesse d'origine, ainsi qu'une teinte générale plus chaude que la teinte actuelle, qui tire trop sur le verdâtre. Pour le piètement, un aspect satiné et un respect de la couleur plus blonde du bois sont peut-être préférables, et dans ce cas il faudra idéalement opter pour une huile dure satinée la plus incolore possible. Une autre option  possible est d'appliquer ici aussi un vernis au tampon, mais le résultat risque d'être moins satisfaisant du point de vue teinte et texture, car tout le meuble sera brillant, et le contraste de teinte entre le Macassar et le piètement sera moindre. Le choix définitif n'est donc pas encore fait à ce stade concernant le piètement.

Ainsi, le meuble va ainsi retrouver une cohérence esthétique, en revenant à un état montrant seulement deux couleurs : le Macassar et l'acajou. Dans l'état actuel, une troisième teinte rouge, plate, violente, vient complexifier l'aspect et rend le meuble peu lisible, en interférant avec les deux essences de bois par une teinte artificielle et étrangère.

Une question plus annexe concerne le sens du fil pour les placages des chants du plateau. Avec un fil vertical sur tout le pourtour, un aspect décoratif a été privilégié au détriment d'un aspect naturel. Bien que ce choix soit purement subjectif, je le respecterai, afin de ne pas dénaturer l'esprit du meuble. Du reste, les chants plaqués  à contre-fil sont un grand classique pour les les guéridons Art Deco en Macassar, presque un passage obligé. Il faut reconnaître que ces chants traités avec des tronçons très courts et contrastés subliment vraiment le veinage du Macassar et procurent toute leur noblesse à ces meubles.

Le fil vertical présent sur la façade du tiroir sera maintenu, et servira de modèle pour le sens du fil sur les planches de côté, ainsi que sur les tasseaux d'entretoise,  en respectant la cohérence d'une face à l'autre. Pour les chants de la tablette inférieure, un placage de Macassar sera appliqué avec un fil vertical comme pour le plateau supérieur.

L'inclusion de marqueterie du plateau, bien que de qualité médiocre, sera laissée telle quelle, en essayant de gommer ses défauts les plus criants. Le filet d'ébène noir recevra de la pâte à bois pour remplir les importants manques et défibrements avant d'être teinté (en teinte Wengé), et le médaillon central, terne et encrassé,  sera poncé et dégrisé avant vernissage.

Le postulat étant que le meuble est d'époque Art Déco, un corollaire immédiat est que le Macassar devra être vernis au tampon à la gomme-laque, les bois exotiques n'étant huilés à cette époque que pour les petits objets, non les meubles.

L'intérieur des compartiments sous le plateau sera retravaillé lui aussi : retrait de la peinture rouge, ponçage soigneux et éventuellement placage d'un bois plus neutre généralement utilisé pour ce genre d'emplacement, puis vernissage. Ou bien ponçage soigné et application d'une huile dure satinée.

Enfin, faute du matériel et des outils nécessaires pour travailler le bois, je ne compte pour l'instant pas refaire le tiroir manquant(*), mais l'alvéole sera lui aussi un peu retravaillé : retrait de la peinture rouge,  au moins dans la partie visible vers l'avant, ponçage  et application d'une finition plus neutre, à déterminer le moment venu. Lorsque le second tiroir sera recréé, plus tard,  il faudra alors trouver deux boutons de tiroir identiques, d'aspect plausible vis à vis du meuble.


(*) Edit ultérieur : finalement ne parvenant pas à trouver une idée convenable pour traiter le problème de l'aspect du compartiment par rapport à l'esthétique et à la cohérence du reste du meuble, je décide de réaliser tout de même un tiroir, mais de conception simplifiée sans queues d'aronde, le but étant surtout d'obtenir une façade qui sera plaquée en Macassar et vernis, en cohérence avec les trois autres côtés du meuble.


Il y a donc un gros travail de restauration, mais au moins le programme est clair, et les travaux ne sont pas structurels. Il s'agit donc d'une restauration d'aspect, avec certes un travail minutieux et long, mais ne mettant en oeuvre que des techniques assez basiques, sans nécessiter d'outillage pointu du travail du bois.


Restauration


Les placages des chants abîmés sont d'abord retirés. Ils sont collés avec la méthode traditionelle à la colle d'os. La méthode la plus efficace, quoique longue pour les décolller, consiste à humidifier le placage dans la masse, puis de le chauffer. Pour humidifier le placage véritablement dans la masse, il faut faire stagner à sa surface un colloïde quelconque (bouillie de farine, colle à papier peint...) pendant plusieurs heures. Une simple application d'eau ne suffirait pas à pénétrer vraiment ces bois très durs, et de plus l'eau aurait tendance à s'évaporer et sécher rapidement, au contraire d'un colloïde qui reste en place sans se dessécher. On pourrait tout aussi bien utiliser, je pense, du coton hydrophile bien humidifié, voire même tout autre substrat retenant l'eau comme de la paille broyée, sciure de bois, vermiculite, etc.

Ne souhaitant décoller que les chants, je réalise une petite goulotte qui recevra la colle à tapisserie. Il suffit alors de la remplir avec environ un centimètre de colle, que de laisser en place durant quatre à six heures. 

Gouttière contenant la colle à affiches, pour déposer les placages endommagés.


Ensuite il suffit de retirer la colle à affiche avec une cuillère, de nettoyer à l'éponge, de placer un papier journal plié en deux ou trois sur le dessus, et chauffer brièvement le papier au fer à repasser en position maximale. Le décollage est si efficace que bien souvent le placage se décolle tout seul et reste accroché au papier journal (à cause des restes de colle à affiche sans doute). Je n'ai conservé que deux courtes portions de chant pour le plateau vertical. D'infimes accidents (sur les chants conservés) sont masqués à la pâte à bois puis teintés au mieux. De petits accidents sur la façade du tiroir sont comblés avec des petites pièces de placage. A la fin de cette étape, le bois brut est mis à nu sur tous les chants à réparer, prêt à recevoir un nouveau placage.

L'ensemble du vernis présent sur le piètement est facilement retiré au grattoir, laissant apparaître une surface cirée. De même la teinture/peinture rouge est retirée partout au grattoir puis au papier de verre, aucune cire n'étant présente au-dessous.

L'étape suivante consiste à décirer toutes les surface cirées. Cette étape est plutôt longue car l'élimination de la cire ne peut se faire que petit à petit par transfert sur un papier absorbant. Il faut appliquer le décireur en frottant avec de la paille d'acier fine, puis immédiatement "éponger" le liquide sale avec du papier absorbant. Mais un unique passage est loin de tout retirer, et il faut recommencer à de nombreuses reprises, jusqu'à ce que le liquide récolté sur le papier absorbant cesse d'être sale (brunâtre). Alors on sait que la plus grande partie de la cire a été retirée et que le ponçage deviendra donc possible.  Ce n'est pas peu dire que l'on est content lorsque cela se termine. Cette étape est frustrante car visuellement elle ne produit aucune modification. La seule avancée est que la surface est maintenant apte à être poncée et/ou teintée, et/ou vernie, c'est à dire prête à être retravaillée en vue de la nouvelle finition. Un meuble initialement vernis, ayant ultérieurement été ciré par facilité, pour lui redonner rapidement de l'éclat,  constitue une hantise pour le restaurateur. C'est malheureusement assez fréquent. Bref, quelques demi-heures et quelques rouleaux de papier absorbant plus tard, toutes les surfaces se trouvent décirées, et le meuble est enfin prêt à être restauré.

L'ensemble est enfin prêt pour la restauration après retrait des placages et vernis, puis décirage


Il faut ensuite procéder au choix et au découpage des pièces de placage. La largeur des bandelettes étant très petite, celles-ci sont très fragiles. Il faut donc les découper délicatement à la scie à placage. Pour plus de sécurité, on peut coincer le bois sous des équerres vissées, pour le maintenir fermement pressé pendant le sciage. Afin de conserver un bon contraste, des feuilles plutôt foncées et d'autres plutôt claires sont choisies, les deux feuilles les plus à gauche:

Diverses teintes et veinages de macassar, du plus clair au plus sombre

Les bandelettes pour les chants sont découpées, toutes légèrement trop grandes en hauteur, par sécurité.

Bandelettes de placage pour les chants du plateau

Les bandelettes sont ensuite mises en place à la colle d'os et pressées contre les chants à l'aide de longs serre-joints. La colle d'os se révèle très glissante lorsqu'elle vient d'être appliquée. Il faut bien veiller à ce que lors du pressage, les bandelettes ne se déplacent pas. Pour cela, certains ébénistes utilisaient de minuscules clous afin d'assujettir le placage bien en position avant le pressage. De nos jours l'emploi de ruban adhésif (bleu) permet d'éviter le recours à ces clous, mais il faut tout de même rester très vigilant lors du pressage.


Remise en place des chants sur le plateau supérieur.

Pour les deux côtés, il faut choisir des feuille bien veinées. Celles dont je dispose me semblent d'une teinte générale un peu sombre, il faudra mettre les parties les plus claires vers les centre des deux planches:

Tronçons de Macassar pour les côtés

Les côtés ont reçu leur placage, 




mais .... étourderie quand tu nous tiens :  heureusement que j'avais prévu de placer les plages les plus claires vers le centre ! Résultat : une grande bande d'aubier clair se retrouve au contact du pied gauche et l'effet ne me plait pas, car le contraste avec le piètement est complètement cassé, et la grosse dissymétrie de ton entre la droite et la gauche me gêne;  il va falloir reprendre cela.  La première étape est la découpe d'une bande de 30 mm sur la partie gauche par un trait de cutter. 




Puis décollage de la bande découpée. Cela me permet d'expérimenter une méthode plus simple pour décoller des placages de faible étendue : un simple morceau de papier essuie-tout replié sur lui-même et imbibé d'eau, posé sur la partie à décoller. Ensuite, après quelques heures, il n'y a plus qu'à chauffer un peu au fer, et la feuille se décolle toute seule, sans aucun dommage, ce qui me permet de la récupérer et en réutiliser une partie après séchage pour faire la transition entre la petite zone claire laissée en place et la bande de placage sombre qui viendra contre le piètement. La nouvelle version est beaucoup plus satisfaisante du point de vue esthétique, il y a un contraste complet entre les partie Macassar et les parties acajou, ce qui rend le meuble bien plus lisible :




A ce stade, bien qu'aucune finition ne soit encore en place, l'esprit du meuble renaît immédiatement: un guéridon entièrement en Macassar, sauf les quatre pied. La beauté est retrouvée par la simplicité. Mais il y a encore beaucoup de travail sur la finition de surface maintenant.

Une fois tous les placages en place, il est temps d'effectuer les retouches des petits accidents au mastic, puis de les poncer et teinter soigneusement.  

Il faut également s'occuper des parties intérieures, moins visibles. Initialement elles sont en bois presque brut et teintées d'un rouge violacé, sombre et opaque, mélangée à de la cire, probablement afin de masquer l'absence de soin apporté à ces parties. L'intention ici est de faire quelque chose d'un peu plus raffiné, sans aller jusqu'à appliquer du bois de placage vernis au tampon. Comme je ne me vois pas vernir dans ces espace où la main passe à peine, je décide d'appliquer une finition avec une huile dure ambrée. La première étape est de retirer la couche de teinte et de cire, afin de retrouver le bois. Il s'avère que la cire part assez facilement mais la teinte rouge violacée a pénétré pas mal en profondeur et malgré un ponçage soutenu, elle subsiste en partie. Je prends la décision d'appliquer une teinte discrète tirant sur un jaune assez lumineux (teinte "chêne clair") afin de retirer au moins l'aspect violacé, très artificiel, et tenter de revenir sur des échelles de teintes plus proches du brun, sachant que l'huile dure ambrée amènera une teinte encore un peu plus dorée.


Aspect après ponçage et application d'une teinte "chêne clair". 
Même si la couleur reste un peu rougeâtre, l'aspect violacée est parti.

Après cette teinte à l'eau et avant de passer l'huile dure, il faut reponcer un peu au grain 240 et 320 afin d'adoucir la surface à nouveau. L'huile dure (Blanchon)  possède une couleur ambrée qui va encore atténuer l'aspect violacé devenu brun-rougeâtre au ponçage, et amener finalement une teinte agréable. Cette huile dure est véritablement très dure, à peu près autant qu'un vernis gomme laque, en 24 à 48 heures elle se ponce sans aucun problème pour revenir au bois si besoin est, en donnant une ponçure très sèche même avec des granularités fines (grain 600). On peut donc obtenir très bel un aspect satiné visuellement et pratiquement "poli miroir" au toucher.


Ensuite, on peut passer au bouche-porage puis aux aux ultimes retouches de teinte avant le vernissage du Macassar.

A SUIVRE...

vendredi 3 septembre 2021

Vernis gomme laque : ce que j'en comprends

Le vernis traditionnel au tampon, à base d'alcool et gomme laque est un peu délaissé de nos jours car il a la réputation d'être long et difficile. C'est à la fois vrai et faux. Il a aussi contre lui la réputation d'être fragile, notamment aux projections d'alcool; là par définition c'est vrai puisque l'alcool est son solvant; c'est pour cela que dans les meubles bar qui fleurissaient à l'époque Art Deco, les parties où l'on pouvait poser des verres étaient le plus souvent protégées par une vitre ou un miroir. En revanche, le vernis gomme laque a pour lui la réputation de donner un rendu incomparable, inimitable par les autres techniques. Ne pratiquant pas les autres techniques, j'ai du mal à me prononcer sur ce point, mais on entend souvent dire que son aspect incomparable est dû en fait à l'extrême finesse de la couche. Ce qui reboucle en fait sur l'inconvénient cité au début : la fragilité relative.

A moins d'avoir des objectifs de rentabilité, l'aspect "long" ne doit pas forcément rebuter, car la longueur du processus est surtout due aux périodes où ... l'on ne fait rien, ce qui n'est pas très prenant. La durée vient en grande majorité des temps de séchage entre les opérations ou entre les couches. Cet aspect long me convient très bien personnellement, j'aime bien au contraire voir le projet avancer tout doucement, sans se presser, ça a quelque chose de zen. En restauration Art Deco, le plus souvent, on est amené à décaper le vernis mais en laissant le bouche-pore en place. Il n'y a donc que l'étape vernis à refaire, et mon expérience est qu'en une dizaine jours on peut déjà faire un très bon vernis. Finalement l'aspect "temps long" est bien adapté au dilettante que je suis, qui papillonne entre maçonnerie, bricolage, jardinage et restauration Art Deco . A un moment quand ça nous prend, on se dit : "... Tiens, je ferais bien un peu de vernis, là ... ", et hop ! Si l'on excepte la préparation et le bouche-porage, l'opération de vernissage d'un objet consiste donc en plusieurs sessions espacées de un ou plusieurs jours, chaque session étant elle-même une succession de plusieurs tamponnées. Chacune de ces sessions dépose une couche de vernis extrêmement fine (probablement moins d'un centième de millimètre une fois sec), sauf la dernière session, celle de éclaircissage, où l'on ne dépose rien du tout, mais on ne fait que nettoyer et/ou polir -on dit aussi lustrer- la surface de la dernière couche.

Ensuite on entend dire qu'il faut plus d'un an d'expérience pour commencer à vraiment vernir. Je me demande si ce n'est pas un peu exagéré, car ce n'est tout de même pas si difficile que cela, si on comprend bien ce que l'on fait et pourquoi on le fait. En revanche il est tout a fait exact qu'il y a des écueils à éviter, et qu'un accident peut arriver en un dixième de seconde : le brûlage du vernis.

Enfin, et c'est le point que j'aimerais aborder dans cet article, les tutoriels sur le sujet édictent souvent une multitude de "règles", mais ne les justifient pas, si bien que ne sachant pas d'où elles sortent et comme il y en a beaucoup on ne sait pas celles qui sont vraiement importantes, et on ne peut pas les comprendre pour les assimiler intimement et se les approprier. C'est donc plutôt là-dessus que je vais m'étendre, pour une fois plus en scientifique qu'en amoureux du bois ou en esthète, et encore une fois en tant qu'amateur et non en professionnel. Enfin, dans cet article je mets aussi l'accent sur un problème rarement abordé du vernissage : les dièdres rentrants (le contraire d'une arête, quoi) car cela a constitué pour moi un problème en tant que débutant. En restauration Art Deco, lorsque le démontage complet du meuble n'est pas possible ou souhaitable, il y a des dièdres (parfois trièdres) rentrants qu'il faut bien réussir à vernir.

MATERIEL
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Le vernis

Ce qui est très plaisant avec le vernis gomme laque (disons "shellac" à l'anglaise pour abréger), c'est que c'est absolument non périssable. Combien de fois avons-nous rouvert un ancien pot "encore presque plein" de vernis payé 40 Eur, pour découvrir une galette rabougrie et desséchée, collée tout au fond. Ici le problème n'existe pas. Certains disent même que le produit se bonifie avec les années, ce sur quoi j'ai un gros doute du point de vue physico-chimique. Une fois la dissolution des copeaux de gomme laque effectuée, elle est effectuée, et il ne doit pas y avoir de différence notable entre un vernis d'une semaine et un vernis de 10 ans. En revanche, par simple prudence, il est certain qu'il vaut mieux un vernis dissous depuis trois jours qu'un vernis de 24 h, à savoir le temps minimal annoncé pour la dissolution des copeaux. Ce qui est plaisant également, c'est que tous les ingrédients séparés sont eux-mêmes basiques et impérissable (poudre de ponce, alcool, gomme laque, et morceaux de tissu en tous genres). C'est très sécurisant, on peut faire des parenthèses de trois ans et reprendre comme si on avait arrêté hier. Par précaution tout de même, sans savoir si c'est utile, je secoue bien le flacon de vernis avant de l'utiliser, surtout après une période de repos; disons que cela ne coûte rien. Enfin, pour l'alcool qui sert à dissoudre les copeaux, on entend "à 95%" par-ci et "à 99%" par-là. Les quantités utilisées sont tout de même minimes, et par sécurité je prends du 99%, je ne pense pas que cela modifie beaucoup le budget "vernis". Pour ce qui est nettoyage (voir plus loin ce qu'il faut nettoyer), on peut utiliser indifféremment du 95% ou même du simple alcool à brûler. Dernier point sur les fournitures, il faut aussi un flacon de vernis copal, afin de remplir les dièdres rentrants.

Enfin, et là j'adhère à ce qui se dit un peu partout, l'étape finale de l'éclaircissage qui traditionnellement se faisait à l'alcool pur, peut très bien être faite avec un produit moderne largement disponible et appelé "super nicko". C'est donc la seule entorse à la tradition, avec un produit que l'on n'utiliserait pas pour un meuble ancien, surtout haut de gamme, mais qui en restauration Art Deco ne me choque pas, même pour les bois les plus précieux. Il faut bien voir que ce produit ne dépose rien, c'est simplement un composé qui permet le polissage et le dégraissage de la surface, et qui est retiré à la fin de l'opération. Pour illustrer de façon parlante la différence entre alcool et polish pour l'éclaircissage des meubles anciens et Art Deco, on remarquera que tous les luthiers de guitare utilisent ce produit (Super Nicko), mais je ne pense pas qu'on restaurerait un Stradivarius avec une telle méthode...


Le tampon

On entend souvent des subtilités sur le tissu à utiliser pour les tampons, en fonction du numéro de la couche : Coton/lin , tissage grossier/ tissage fin. La seule règle No 1 absolue (et évidente) c'est que le frottement ne doit absolument pas générer de peluches, ce qui restreint effectivement la matière à lin ou coton. Le coton étant plus répandu, il fait très bien l'affaire. Quant à l'histoire de "commencer avec du grossier et finir avec du fin", c'est selon moi un faux problème ou plutôt une fausse prise de tête : sachez que vous n'aurez jamais aucun problème si vous faites toutes les couches au tissu fin. La seule différence est qu'il faudra peut-être changer le tissu un peu plus fréquemment. Le changement de grossièreté est donc une subtilité dont on peut se passer surtout si on a des stocks de vieilles chemises de bureaucrate, trouées au coude à écouler, comme c'est mon cas. On trouve aussi à bon marché et facilement, des sacs de chiffon qui sont en fait des morceaux de drap d'hôpital réformés, qui sont excellents, car lavés et  relavés de multiples fois, probablement à 95 °C. Le sujet du tissu ne doit donc pas être un sujet de préoccupation, on peut s'en tenir à une seule sorte : tissu fin, en coton, de préférence usé. Pour la mèche, la mèche coton du commerce convient très bien dans tous les cas.

Il y a une toute petite exception qui est la dernière passe dite d'éclaircissage (alcool seul sans vernis), pour laquelle le tissu devrait être en flanelle de coton (quasi impossible à trouver) et la mèche devrait être préférablement en laine. Mais d'une part je ne suis pas sûr que le tampon normal (coton fin et mèche coton) fonctionne si mal que cela, en tout cas je n'ai pas rencontré de problème particulier. Et d'autre part, comme je l'ai dit plus haut, en Art Deco, l'éclaircissage peut être effectué en sautant cette étape et en utilisant à la place du polish Super Nicko (avec à peu près n'importe quoi comme tampon, y compris coton hydrophile, lingette, etc. à l'exception de textiles trop abrasifs, essuie-tout par exemple, qui risqueraient de rayer le vernis)

La température de la pièce

On lit parfois que la pièce doit avoir une température de 18 degré maximum. Je n'ai jamais constaté de problème particulier avec des températures plus chaudes, ni plus froides. Un vernisseur m'a dit que cela n'avait aucune importance et qu'on s'adaptait à la température en augmentant un peu la proportion d'alcool sur le tampon. Même sur ce point, je n'ai jamais remarquer un impact objectif. La proportion d'environ 50/50 que j'utilise semble très bien fonctionner dans tous les cas.


LE GESTE
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La charge du tampon et le pressage

En règle générale, la quantité de vernis et d'alcool versée sur le tampon à chaque recharge de celui-ci doit être assez faible : pour un tampon de la taille d'un oeuf, une vingtaine de gouttes de vernis et autant d'alcool; pour la taille d'une noix une dizaine de chaque, et pour un tampon de la taille d'un haricot sec, trois gouttes de chaque, tout ceci étant à titre indicatif et supportant une assez grande tolérance. Donc il en faut un peu mais surtout cela ne doit pas dégouliner lorsque on applique une pression nominale sur le tampon. La seule exception est lorsque la mèche à l'intérieur du tampon est neuve, il alors faut la remplir un peu plus au préalable jusqu'à ce qu'elle soit colorée mais sans plus, avant de refermer le tissu du tampon par dessus. Lors des recharges normales du tampon, il n'est pas nécessaire de le rouvrir, il suffit de le basculer pour que la surface vernissante se retrouve vers le haut, et de verser les gouttes directement sur le tissu de cette surface, d'abord le vernis, puis l'alcool. On voit chacun de ces deux liquides s'enfoncer à travers le tissu et fuir très rapidement vers l'intérieur du tampon.

Il faut alors presser le tampon relativement fort, mais sur une surface "inoffensive" (surtout pas sur l'objet à vernir), afin de vérifier qu'il n'y a pas de surplus, et s'il y en a un, afin de le chasser vers l'intérieur du tampon en pressant et tapotant. A cet endroit précis, je procède différemment du geste traditionnel. La tradition veut en effet que ce "pressage test" se fasse en appuyant/tapotant le tampon dans la paume de l'autre main qui est restée libre, disons la gauche, soit sur la peau nue (siècles anciens) soit sur la surface du gant latex qu'on y aura passé (siècle moderne). Cette méthode me dérange un peu car en faisant cela, le gant gauche voit sa paume souillée en permanence par du vernis frais, ce qui fait que si par accident, la paume gauche vient au contact de l'objet à vernir, il y a un gros risque de "brûlage" du vernis. Il me semble préférable de faire ce geste sur l'intérieur d'un couvercle de pot de confiture du commerce, ce qui permet d'évaluer tout aussi bien si le tampon est prêt, et de laisser la main gauche bien propre. On peut alors tenir l'objet et le manipuler sans aucun risque de brûlage. En revanche, cette méthode nécessite de nettoyer (ou jeter) le couvercle après chaque session, car si on laisse le vernis s'accumuler et sécher, il finit par s'y former des petits grains durs et secs, susceptibles de venir se recoller au tampon la fois suivante et de se déposer sur la couche vernie ensuite, ce qui évidemment est très mauvais pour le rendu. Le nettoyage se fait en mettant un peu d'alcool à brûler dans le couvercle et en frottant un pinceau à poil dur (brosse environ 10 mm) ou même un morceau de papier essuie-tout, sur le vernis qui s'y trouve.

A ce propos, il est intéressant pour la suite de comparer le comportement du vernis sur le couvercle pour des temps de séchage différents. Le vernis que l'on vient de déposer dans l'heure part aussitôt qu'on effleure la brosse dessus. Pour un convercle laissé quelques jours il faudra insister un peu, et pour un couvercle non nettoyé depuis un mois ou plus, le nettoyage devient assez long ou même très long. C'est curieux car le shellac est sec au toucher après quelques secondes, donc on pourrait se dire qu'entre un jour ou un mois cela ne doit plus changer grand chose tellement cela sèche vite... Eh bien non, le vernis a beau être "presque sec" en une seconde, la différence de séchage ultérieure qu'il y a entre un jour et un mois est encore énorme. C'est sans doute ce qui explique que les vernisseurs préconisent "plusieurs" jours de séchage entre chaque session (jusqu'à 15 jours pour les plus pointilleux). Cependant, mon expérience est qu'avec 24 h entre chaque session, on obtient déjà de bons résultats.

A propos des gants latex, il est vrai que les porter sur un temps long est désagréable. Donc si on a de très grandes pièces à vernir, il vaut peut-être mieux opérer à mains nues, quitte à effectuer ensuite un bon nettoyage des mains à l'alcool (qui laissera certainement des marques brunes rebelles dans les sillons qui bordent des ongles).


La force d'appui

La force d'appui doit toujours être faible, comme une sorte de frôlement plus ou moins appuyé, sans plus. Il ne s'agit jamais d'exprimer de force le vernis présent à l'intérieur du tampon en pressant le tampon sur le support pendant la glisse. Le transfert du vernis du tampon vers le bois se fait par gravité ou capilarité. C'est donc toujours un appui très léger.

La glisse

La sensation que l'on a lorsqu'on déplace le tampon sur le bois peut être de quatre types que je qualifierais ainsi: le tampon peut planer, glisser, accrocher ou brouter. Imaginons pour commencer une vitesse de déplacement constante du tampon sur le support. La phase "planer" est très brève : lorsque le tampon vient d'être chargé ou rechargé et qu'on commence tout juste à l'appliquer, il dépose initialement une couche de vernis sous lui, et il n'est pas véritablement en contact avec le support, il y a une très fine couche de vernis liquide qui s'interpose entre le tissu et le support et qui descend du tampon par gravité. La sensation est que le tampon glisse sans opposer aucune résistance, comme s'il était sur un coussin d'air. Comme le tampon n'est jamais très chargé (par exemple jamais au point de dégouliner ou même d'être saturé de vernis) cette phase de plané est vraiment très courte, une seconde environ. Ensuite pendant un temps beaucoup plus long (disons une ou deux minutes) le tampon va être capable de glisser, mais en étant cette fois au contact direct du support. La sensation reste la même d'une glisse douce, mais en revanche, le tampon a tendance à vouloir freiner, et ce de plus en plus au fur et à mesure de l'avancée. Ensuite si on poursuit toujours à la même vitesse, cette glisse va devenir progressivement "rèche", le tampon refuse de plus en plus de glisser de façon fluide et on sent qu'il a de plus en plus tendance à vouloir non plus freiner, mais accrocher. Si on poursuit encore et surtout si le tampon est laissé un peu libre d'osciller entre les doigts, cette sensation d'accroche rèche va devenir un véritable broutement : la boule du tampon va vibrer autour de la pointe des doigts, et va avancer par sauts/arrêts au lieu d'avoir un mouvement continu, ceci en émettant un bruit de roulement de tambour. La distinction entre planer/glisser/accrocher  est la même que si on applique de la peinture en glissant un pinceau à vitesse constante sur un tasseau de bois raboté ou poncé : au début lorsque le pinceau est bien plein, la peinture diffuse suffisamment vite entre les soies pour alimenter un permanence le dépôt d'un film continu, et le pinceau glisse de façon bien fluide; ensuite lorsque la quantité de peinture dans le pinceau diminue, et si l'on poursuit à la même vitesse, le dépôt devient discontinu et la sensation devient progressivement  celle d'une accroche ou d'une glisse rêche. Alors, pendant un moment on sent instinctivement qu'en ralentissant la vitesse du pinceau et en appuyant davantage, on permet à nouveau une glisse fluide, mais cela ne dure que peu. Pour le vernis, ce sera à peu près la même chose sauf que l'on ne doit jamais jouer sur le paramètre "force d'appui" qui doit toujours rester faible.

Le but du geste pour le vernis au tampon est donc de toujours s'arranger pour que le tampon plane (brièvement) puis glisse (plus longuement), mais sans jamais permettre qu'il se mette à accrocher, ni encore moins brouter. Pour cela il y a deux paramètres sur lesquels le vernisseur peut jouer par son geste : la vitesse, et dans une moindre mesure l'orientation du tampon par rapport à la surface, comme nous le verrons plus bas.


La phase critique du "plané"

C'est la première phase, qui a lieu lorsque le tampon vient juste d'être chargé ou rechargé. C'est en fait la seule phase "dangereuse", la seule ou peut se produire l'accident qui consiste à "brûler" le vernis déjà appliqué auparavant. Les trois conditions pour éviter l'accident sont les suivantes : primo, le tampon ne doit pas dégouliner ou être trop chargé; secundo, la vitesse du tampon doit être la plus élevée possible pendant la période brève où le tampon dépose beaucoup; et enfin tertio, l'atterrissage du tampon sur le support doit se faire tout en douceur, afin de ne pas faire "s'écraser" le tampon sur le support lorsque le contact s'établit. Puisque la vitesse du tampon doit être élevée, il est logique de commencer ce premier atterrissage avec un mouvement qui s'effectue dans le sens de la plus grande longueur de la pièce à vernir. Donc pour le geste le seul ensemble de choses à se souvenir est logique et simple : atterrissage en douceur à vitesse élevée et dans le sens de la longueur, avec maintien de la vitesse élevée pendant au moins une à trois secondes, le temps de sentir que le danger de brûlage est passé.

Si on écrase trop le tampon, ou même seulement si on le déplace trop lentement au cours de cette brève phase, il y aura risque de brûlage. Qu'est-ce que c'est ? Selon moi, il s'agit d'une combinaison de deux choses : d'une part, à cause de l'excès d'alcool stagnant trop longtemps au même endroit (à l'endroit où la pression est la plus forte, vers le centre du tampon), l'ancienne couche de vernis sous-jacente se creuse et ceci de façon irrégulière : l'espèce de poli qui avait été obtenu aux couches précédente est détruit au centre de la traînée. Ensuite, à cause du pressurage du tampon, un filet de vernis en surépaisseur va être déposé sur les bords du tampon vers l'endroit où la pression s'annule à cause de la forme convexe du tampon. Ceci va créér un ou deux longs "rails" en saillie, le long de la trajectoire du tampon. En fait tout le surplus de vernis (à cause de la pression trop forte ou de la vitesse trop faible) est chassée latéralement du centre du tampon vers les bords, à l'endroit où la pression s'annule.



Sur ce schéma, le tampon était trop rempli, et l'atterrissage trop brusque : le déplacement trop lent et le tampon trop "humide" font que le tissu du tampon laboure la couche de vernis existante (au centre), et la charge en vernis trop importante fait que lorsque l'atterrissage trop brusque se produit, le surplus de vernis est essoré du tampon et chassé vers les côtés. créant deux monticules allongés le long de la trajectoire. Aussi bien le labour rugueux du centre que les monticules latéraux seront ensuite très difficiles pour ne pas dire impossibles à éliminer par les passages ultérieurs du tampon sur cette zone brulée. L'effet du tampon n'est simplement pas suffisant pour cela. Sur ce schéma, tout a été grandement exagéré pour la clarté du discours : taille des fils du tissu, épaisseur de la couche de vernis, du bourrelet et du labour. Les vernisseurs appellent ces bourrelets en relief du nom de "queues de vache".

Les premières tamponnées sur bois non encore vernis

Lorsque la préparation du bois est terminée, avec éventuellement un bouche-porage, et que l'on passe donc au vernissage proprement dit, le support est plus absorbant qu'il ne le sera lors des couches suivantes. Lors de cette première session sur bois brut, il n'y a donc pas véritablement de risque de brûlage, on se rend compte que le support brut boit le vernis avec une certaine avidité. Il y a donc deux conséquences : d'une part on peut sans risque charger le tampon un peu plus abondamment qu'on ne le ferait pour une couche normale, et surtout, tant que le support boit le vernis avec cette avidité, on peut recharger le tampon assez fréquemment sans trop se soucier de le vider entre chaque tamponnée. Au contraire, on pourra recharger dès que la phase "plané" et "glisse fluide" seront terminées, ce qui ne prend pas beaucoup de temps. Cette première session, durant laquelle on opère donc plus rapidement que pour les suivantes, est appelée la charge. Il faut bien voir que cette première session de charge va consister en un nombre plus important de tamponnées que les étapes suivantes car le rendement de chaque tamponnée est minime : la trace de vernis laissée par la toute première tamponnée ne sera guère plus longue que celle qui est représentée sur le schéma ci-dessous, et en conséquence il faut de nombreuses tamponnées pour réussir à couvrir entièrement la surface et faire disparaître les trous non-vernis. 


Les premières tamponnées sur bois nu s'épuisent très vite !



Les tamponnées normales

A partir de la seconde session, lorsque la surface est déjà entièrement recouverte d'au moins une couche, il s'agit d'ajouter progressivement plusieurs couches sur un vernis plus ou moins sec. Le geste est le même, en ayant soin d'être d'abord rapide et en effleurant pour l'atterrissage à chaque nouvelle tamponnée. A mon sens, le secret d'un vernis réussi tient essentiellement à deux choses, d'une part il faut adapter sans cesse la vitesse du tampon à son degré d'humidité qui diminue avec le temps, et d'autre part il ne faut recharger le tampon que lorsque celui-ci est devenu presque vide, presque sec. C'est ici que les aspects physico-chimiques sont importants. Si on reprend l'expérience initiale avec les quatre types de glisse (plané, glisse fluide, glisse rêche, et broutage), on se rend vite compte que lorsque l'on passe de la glisse fluide à la glisse rêche, on peut revenir à la glisse fluide simplement en ralentissant un peu la vitesse du tampon. C'est que le flux de transfert d'alcool du tampon vers le support devient plus faible et donc pour conserver un certain film d'alcool, il faut que le tampon passe légèrement plus de temps au même endroit qu'il ne le faisait lorsqu'il était plus alcoolisé. En schématisant, on pourrait dire que pour chaque degré de sécheresse du tampon, on peut trouver une vitesse qui permette de garder une glisse plus ou moins fluide : pour ceci, plus le tampon est sec, plus la glisse doit être lente. Donc au fur et à mesure que le tampon se dessèche, la vitesse de glisse diminue. 

Le second point est qu'il faut bien veiller à dessécher le tampon presque complètement avant de le recharger. En effet, il faut bien comprendre que la charge apportée par une nouvelle tamponnée n'est pas bien lisse, c'est plutôt une sorte de traînée en sur-épaisseur, avec un état de surface très éloigné du poli final. Le fait de passer et repasser un tampon de plus en plus sec donc déposant de moins en moins, et érodant légèrement les aspérités, va avoir un effet lustrant très progressif. Comme nous avons vu qu'il est illusoire d'espérer parvenir à polir et lustrer une surface trop rugueuse comme des queues de vache, il faut que le caractère lisse de la surface soit maintenu et même amélioré de façon constante au cours du temps. Chaque couche, à la fin d'une session, doit être plus lisse et plus lustrée quà la session précédente. Il n'y a que le passage inlassablement répété du tampon de plus en plus sec et avec une glisse de plus en plus lente qui permet ce résultat. Voilà pourquoi les vernisseurs disent qu'il faut d'une part "sentir" son vernis (ce que j'interprète comme adapter sans cesse la vitesse pour être constamment à la limite de la glisse fluide / rêche) et qu'il faut d'autre part veiller à bien vider chaque tampon. Comme la vitesse de glisse ralentit progressivement, on peut résumer une tamponnée comme suit: une ou deux secondes de glisse planée, une dizaine de secondes de glisse fluide à la vitesse rapide initiale, puis enfin deux ou trois minutes de glisse presque rêche (mais fluide) à vitesse s'amenuisant peu à peu, pour terminer lentement. L'impératif de vider le tampon n'est donc pas du tout anodin et se justifie par celui de toujours maintenir la surface aussi lisse que possible. Un tampon qui vient d'être chargé dépose et ne lisse  donc jamais la surface.


Il y a un paramètre sur lequel il faut jouer pendant cette assez longue phase d'épuisement du tampon, c'est l'inclinaison du tampon par rapport à la trajectoire (et aux doigts qui le tiennent). Lorsque l'on pousse le tampon, il faut que l'avant du tampon  soit un peu relevé, comme des spatules de ski, et il faut que la prise par les doigts soit un peu inclinée vers l'arrière et exerce un peu de fermeté axiale pour l'empêcher de basculer vers l'avant et venir brouter (c'est sa tendance). De même si on tire le tampon, c'est le mouvement inverse. Si on considère la "gerbe' de tissu constituée par les pans repliés (cette gerbe est donc grossièrement verticale), l'axe vertical de cette gerbe doit constamment osciller un peu pour toujours se trouver incliné vers l'arrière de la trajectoire. Ceci permet un maintien du tampon avec fermeté qui contre la tendance à vouloir brouter.  Si au lieu de faire des huit pour la trajectoire du tampon, on fait des petits cercles se décalant peu à peu, l'axe de la gerbe doit décrire une sorte de petit cône qui se réalise tout seul avec un petite souplesse du poignet. Sur le schéma suivant le diagramme du haut représente une poussée du tampon vers la gauche, avec la pression plutôt sur l'arrière du tampon vers A,  et le diagramme du bas, une traction du tampon, vers la droite, avec une pression plutôt sur l'avant du tampon en B. L'axe de la gerbe de tissu est représenté en trait mixte. On remarque que ce n'est pas la même partie de l'empreinte qui est au contact du support, et donc en définitive, c'est presque toute la surface inférieure du tampon qui a été mise en contact avec le vernis lors d'une révolution complète du mouvement (huit ou cercle).




Il y a donc une sorte de jeu qui allie un peu de souplesse dans le poignet pour maintenir l'incidence correcte du tampon, et un peu de fermeté dans la tenue du tampon avec le bout des doigts pour contrer toute velléité de broutage.  Enfin, outre ces deux petits jeux de poignet et de doigts, il y a en permanence une sorte d'exploration du tampon pour essayer de trouver sur son empreinte, la zone la plus humide, car la glisse y est plus facile. Cela paraît un peu abstrait, mais c'est en fait très simple et ce triple jeu (oscillation, fermeté et exploration)  dans le geste se trouve rapidement, presque instinctivement, en recherchant toujours la meilleure glisse possible..

Une dernière précision, lorsqu'on est dans la phase d'épuisement du tampon et qu'il devient de plus en plus sec, on se rend compte que l'atterrissage en douceur devient moins important : un tampon qui devient sec peut atterrir plus brusquement que le tampon pleinement chargé. La pression de travail doit toujours rester légère, il ne s'agit pas de récurer ou poncer le vernis, mais de le lustrer à chaque session.

Laisser reposer les zones

Un autre point que je trouve important, c'est de veiller à ce que le tampon, quel que soit son degré de sécheresse, ne repasse jamais de façon répétée à intervalle court sur la même zone. C'est pour cette raison que s'il y a d'autres pièces ou d'autres faces à vernir, il est bon de passer de l'une à l'autre en laissant reposer un peu le vernis, ne serait-ce qu'une demie minute. Si il n'y a qu'un seul panneau à vernir on peut vernir une bande parallèle à un bord, puis tourner le panneau afin de faire un bande parallèle à un autre bord et ainsi de suite.  La raison de ceci et que le même tampon avec la même vitesse aura toujours une glisse plus fluide sur un vernis qui a une minute de séchage que sur un vernis qui vient juste d'être déposé dans la seconde précédente. Le vernis très frais (quelques secondes) à tendance à accrocher le tampon.Généralement on procède en faisant des bandes faites de "huit" allongés qui se décalent petit à petit. Dans ce cas, il n'est pas très bon que le début d'une bande coïncide avec la fin de la bande que l'on vient de terminer. Par exemple, une situation à éviter est celle illustrée ci-dessous, car la passe 2 commence sur la fin de la passe 1 qui est encore toute fraîche.



Il est préférable de procéder comme sur le schéma ci-dessous, car la passe 2 commence sur le début de la passe 1 qui est déjà un peu ancienne. Si on est droitier et que l'on fait des passes de gauche à droite, il faut donc tourner le panneau d'un quart de tour dans le sens des aiguilles d'une montre.




Huiler ou non ?

On entend souvent dire qu'au fur et à mesure que les sessions avancent, on peut favoriser une glisse fluide en ajoutant un peu d'huile de paraffine sur le tampon. Mon expérience est que c'est possible, mais loin d'être nécessaire, on peut très bien s'en passer également (c'est ce que je fais). D'après ce que j'en comprends, l'huile va permettre au tampon de conserver une glisse fluide avec une vitesse un peu plus importante que s'il n'était pas huilé. Très bien, mais dans ce cas, puisque le tampon presque sec se déplace plus vite, son effet lustrant est beaucoup moindre : c'est comme si le vernis ne "voyait" plus l'effet du tampon. Ce qu'on recherche avec le tampon qui se dessèche, c'est justement de trouver la vitesse suffisamment lente pour avoir une infime redissolution de la couche la plus fraîche et la plus superficielle  afin de la lustrer. Donc finalement, à mon sens on ne gagne pas grand chose en utilisant de l'huile, et le fait d'obtenir un vernis constitué d'un millefeuille d'huile et de gomme laque me fait peur, même si l'on dit que l'éclaircissage à l'alcool élimine cette huile.


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Dièdres rentrants

Un dièdre rentrant constitue un obstacle que le tampon ne peut aller remplir. La zone aveugle est représentée en rouge sur le schéma ci-dessous.

la largeur de cette zone non-vernie est de plus d'un ou deux cm pour un tampon de la taille d'un oeuf, et environ un cm pour la taille d'une noix. Une solution qui à mon sens fonctionne assez bien consiste à procéder comme suit. Il faut d'abord confectionner un mini-tampon avec une forme dissymétrique formant une sorte de pointe, d'une taille d'environ 1.5 cm de largeur et 2 cm de longueur, et moins de 1 cm de hauteur, comme illustré sur ce schéma (à droite, l'empreinte):







Evidemment la quantité de vernis et alcool nécessaire pour charger ce tampon est très faible : 2 ou 3 gouttes à chaque charge, en prenant soin de tamponner un peu sur un couvercle métallique avant application, pour bien répartir et enfoncer le vernis au centre du tampon. Ensuite, il faut procéder comme pour un vernissage normal, sauf que les passes de charge se font de manière rapide et sont rectilignes, en suivant l'arête intérieure et en appuyant un peu plus que la normale (d'où la rapidité du mouvement), afin que la zone aveugle soit la moins large possible. Le tampon est tenu du bout des doigts. Si le dièdre se termine par un autre dièdre en coin, on a un trièdre : il faut essayer de terminer par une forme en "virgule" toujours très rapidement exécutée, en venant se cogner contre la seconde arête et en retirant prestement le tampon dans le même mouvement, comme sur le schéma ci-dessous (en gris l'empreinte du petit tampon):







 Le but de ce geste est évidemment d'essayer de déposer du vernis le plus profondément possible dans la pointe rentrante créée par le trièdre, puis de venir longer l'arête du second dièdre. S'il s'agit juste d'un tasseau comme sur le schéma, cette seconde arête est très courte, mais elle doit tout de même être vernie, d'où ce geste, rapide mais nécessaire. Enfin, pour les parties du dièdre qui font partie d'une grande surface plane (comme la partie verticale dans le schéma ci-dessus), il faut ensuite faire des passes en huit qui viennent frôler le bord du dièdre, toujours avec ce mini-tampon, en veillant à bien dessécher le tampon, comme on le ferait pour des tamponnées normales, ceci afin de polir au mieux le vernis que l'on vient juste de déposer dans cette zone difficile d'accès à proximité du dièdre. Au beau milieu entre deux sessions (donc généralement après 12 h environ), on applique du vernis copal dans le fond du dièdre et du trièdre, avec un pinceau très fin, afin de finir de remplir la toute petite zone aveugle (1 mm environ) laissée par le mini tampon. Ensuite, pour l'étape de l'éclaicissage, il ne faudra pas hésiter à passer le tampon de polish le long du dièdre en l'écrasant fortement, pour que le lustrage s'effectue au plus près du fond de la gorge. Il ne restera une zone non lustrée que de moins de 1 mm de largeur, invisible à l'oeil nu car située dans le fond du dièdre,  qui n'est pas une zone de réflection de la lumière.


Façades des baguettes

Sur la figure précédente, les deux faces les plus en avant sont les façades de baguettes qui font saillie par rapport à la surface plane. On s'aperçoit que la glisse sur les façades de ces baguettes est plus fluide que sur la grande surface plane. La raison est que, du fait de la faible largeur de la baguette, la surface de frottement du tampon est moindre, donc il y a une moindre résistance à l'avancement. Il est tentant de toujours vernir ces façades de baguette longitudinalement, car le geste est plus long,  plus ample, plus instinctif. Néanmoins, les vernisseurs disent en général qu'il faut tout de même s'astreindre à faire des passes par petits cercles se décalant. Je pense que c'est vrai car on ne peut pas espérer lustrer convenablement une surface en ne faisant que des trajectoires en ligne droite toujours dans la même direction. Néanmoins, il faut faire attention qu'en faisant des petits cercles décalés, le tampon repasse nécessairement sur une zone toute fraîche dans la partie arrière de chaque cercle, à cause du diamètre très petit des cercles par rapport à la taille de l'empreinte du tampon. Il faut donc ne pas trop insister et faire preuve d'un peu plus de rapidité qu'on ne le ferait sur une surface plane.