lundi 30 janvier 2023

Une boîte à gants Second Empire avec incrustations de laiton

 Encore une nouvelle incursion hors de l'univers Art Déco moderniste, mais ici encore c'est le sentiment de pitié sur une brocante à Foix qui me pousse à "acheter" cette boite en bien triste état.  Ici encore les guillemets sont de mise, étant donné le prix dérisoire, presque un don...


Le couvercle allie loupe d'orme pour la partie centrale, à l'ébène et au bois de rose pour les filets extérieurs. Un motif de forme tourmentée, typique de cette époque, en incrustation de laiton et nacre occupe le centre du couvercle. Les côtés extérieurs de la boîte sont en loupe d'orme, y compris les pans coupés des coins. L'intérieur est en placage de palissandre. Aspects positifs : la clé est présente, les quincailleries laiton sont en bon état ainsi que l'intérieur. Comme souvent, le panneau avant de la boîte est articulé pour basculer vers l'avant à l'ouverture du couvercle.


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Une fois n'est pas coutume, j'ai réussi à ne pas me ruer sur le nettoyage initial avant de prendre les premières photos, ce qui permet de se rendre compte de l'état brut "sortie de brocante":



L'aspect général est triste, avec un état de surface assez dégradé, très gris, terne et encrassé. Mais là n'est pas le problème, ceci relève du simple nettoyage. Les points plus sérieux sont plutôt:

1) l'absence de plusieurs baguettes de laiton sur le pourtour du couvercle  (ici en bas sur la photo ci-dessus par exemple),  certains clous de fixation des baguettes sont présents (ex. ici à gauche, tout près du pan coupé), d'autres ont disparu.

2) des placages en mauvais état; pas de manque important, mais des décollements, qui de prime abord me paraissent difficiles à traiter pour certains. Cela concerne des placages de bois bien sûr, mais aussi de laiton et de nacre, deux matières dont je ne connaît pas le comportement. Les placages de bois ont en maints endroits un aspect "pétrifié" : déformés, fendillés, tout durs, cassants.

3) un petit défaut structurel, avec le décollement d'un côté de la boîte, qui bien entendu a entraîné le placage avec lui en créant une grosse fissure. A priori, ce n'est pas un  gros problème toutefois.

Il va donc va donc falloir trouver dans le commerce des baguettes de laiton susceptibles de convenir, et s'atteler à toutes les autres réparations, dont certaines me paraissent délicates et incertaines. Parmi les points problématiques, il ya surtout le fait que l'ensemble du couvercle semble très desséché, "fossilisé", comme si la boîte avait été "brulée" en plein soleil pendant des années et des années: les soulèvements de placage sont très raides, cassants (1 et 2 ci-dessous), la loupe est partout fendillée de craquelure noirâtres (3 ci-dessous), comme un vieux cuir tout desséché:


Aspect dur et craquant des décollements de bois de rose (1) et de loupe (2).
Craquelures noirâtres sur toute la surface desséchée de la loupe (3) 



Un autre point problématique, outre le fait que les placages sont craquants et fragiles, il semble qu'en les pressant contre le support, il ne parviennent pas à retrouver leur place, comme si des particules de colle "fossilisées" avaient créé un obstacle au-dessous empêchant le retour au contact direct de la surface du support. Ces deux points mériteront une attention particulière et des efforts spéciaux afin de parvenir à un résultat satisfaisant. Les incrustations de nacre ont les mêmes problèmes, et le laiton aussi ne retrouve pas sa place à la pression. Il ne s'agit donc pas de simples recollements habituels de placages, et il faudra procéder avec un soin particulier.


En ce qui concerne le défaut structurel (décollement d'un côté), je l'attribue également à une exposition prolongée à un soleil brûlant, sans certitude. Les côtés ne sont assemblés au fond que par un collage bord à  bord, sans aucun assemblage, et le côté en se décollant s'est courbé vers l'extérieur,  il faudra donc arriver à faire jouer ce côté vers l'intérieur pour qu'il retrouve un position plus correcte. Cela ne va pas être facile car du fait de l'ouverture de l'avant de la boîte, le haut des côtés n'est tenu par rien.


Le haut du côté est décollé et a gondolé vers l'extérieur (à dr.).
Vernis complètement disparu à certains endroits du couvercle (effet des U.V ?)
 Manques de laiton pour les baguettes.

Incrustation de laiton et nacre décollées
(et  à la pression ne redescendent pas complètement en place)
                          


Un des côtés de la boîte s'est décollé du fond et voilé,
se retrouvant ainsi écarté, et le placage s'est fendu





Nombreux décollements de placage.
Certains clous de laitons sont restés en place et pourront être réutilisés




Baguettes en laiton


L'examen à la loupe montre que ce ne sont pas des baguettes quart-de-rond, mais plutôt un méplat recourbé sur lui-même




Ce type de profil n'existant pas dans le commerce, je décide de commander du carré de 3mm chez Tartaix et de voir comment transformer ce carré en quart-de-rond par un procédé manuel soigneux, suffisamment propre pour que le résultat soit satisfaisant.  Il manque deux côtés longs et deux petits côtés courts des angles, et donc il faut environ 54 cm de long au total.

A partir du carré de 3 mm, il faut d'abord le réduire car la largeur est en fait plutôt 2.6 mm. Ensuite, je fabrique un tasseau bien rigide muni d'une rainure pour y coller la baguette, afin de pour en limer/poncer la partie arrondie. Ensuite il a fallu procéder aux découpes et aux perçages pour les pointes en laiton.


La baguette est collée dans la rainure puis limée et poncée,
avant de procéder aux découpes d'onglet


Les baguettes sont collées avec une colle mixte de nerf (2/3 colle d'os et 1/3 colle de nerf). C'est la recette indiquée pour laiton sur bois, probablement car étant relativement souple, elle tolère mieux qu'une colle d'os les contraintes liées aux dilatations différentes des deux matériaux. Il a fallu refaire des pointes en laiton de 1.8 mm de diamètre pour remplacer les manquantes.


Pour le pressage des petits tronçons, en biais dans toutes les directions,
il faut fabriquer des cales adéquates

Puis presser en biais après encollage.


Finition


Les incrustations de laiton et nacre décollées ne rentrent pas complètement dans leur logement à cause des résidus de colle desséchés qui subsistent au-dessous. Il faut éliminer ces résidus en humidifiant sous les plaques avec une seringue et en chauffant délicatement avec la pointe du fer à repasser, et prenant garde de ne pas aller jusqu'à décoller les placages. Quand les anciens résidus de colle sont ramollis, on peut procéder au collage en injectant de la colle neuve, puis en pressant.


Le ponçage et le vernissage ne posent pas de problème particulier, si ce n'est qu'il faut polir les laitons avant vernissage avec de l'eau japonaise. Comme bien souvent, le bouche-porage ancien reste en place lors du ponçage, et il n'est donc pas nécessaire de le refaire.


Résultat final:



L'intérieur est plaqué de palissandre, en bon état comme bien souvent.



mardi 24 janvier 2023

Bouche-pore traditionnel : ce que j'en comprends

 Tout d'abord, il faut bien distinguer les pores des crevasses. Sur les bois durs mais fibreux comme l'ébène, les crevasses sont dues à des arrachements localisés de fibres du bois, soit au sciage ou déroulage, soit lorsque on retire un morceau de ruban adhésif que l'on a dû placer pour une raison quelconque et que quelques fibres y restent attachées.  

Choix du ruban adhésif et techniques d'arrachage

Le choix du ruban adhésif pour le placage est crucial : s'il est trop puissant, les risques de défibrement à l'arrachage sont élevés. Il convient donc d'utiliser un ruban adhésif de force d'adhérence moyenne ou basse. D'autre part, le type de ruban est important aussi, il ne faut surtout pas utiliser de ruban brun fin brillant (type "déménagement"), car souvent à l'arrachage, l'adhésif lui-même se détache du ruban de plastique et reste sur le bois (surtout si on a laissé en place le ruban plus de 24 h). Ce résidu de colle est souvent rebelle et ne s'élimine qu'à l'acétone assez laborieusement.


Il faut donc utiliser du ruban épais dont le support est en papier et de faible adhérence. On trouve du ruban de peintre "bleu" en grande surface bricolage qui convient bien. Un autre type de ruban de peintre, mauve qualifié de "sans dommage" convient aussi. Certains rubans de peintre traditionnels (jaune/beige) de faible adhérence pourraient peut-être convenir, je n'ai pas testé, mais il ne faut pas qu'il soit crêpé car cela compromettrait la précision du maintien des pièces de placages à coller par rapport au support. Enfin, le procédé traditionnel pour maintenir le placage lors du collage, vendu en magasin spécialisé d'ébénisterie, est d'utiliser des rubans spéciaux en papier gommé, mais là aussi, je n'ai pas testé. Pour ces derniers, l'arrachage se fait alors à l'aide d'eau et par simple grattage, je crois, le papier lui-même n'étant pas assez résistant pour être arraché d'un seul morceau une fois collé.

Néanmoins, même en utilisant un ruban du commerce faiblement adhésif, le risque de défibrement subsiste. La façon de procéder pour l'arrachage est là-aussi importante. Pour minimiser l'effort de traction, la meilleure technique d'arrachage est, me semble-t-il, la suivante:

1) Il faut retirer le ruban en le plaquant et non en l'arrachant perpendiculairement:


En effet, l'effort d'arrachement est bien moindre en procédant ainsi. Il faut aussi procéder lentement, car à cause des propriétés mécaniques de l'adhérence, l'effort d'arrachement est proportionnel à la vitesse de traction.  Enfin, mais je n'ai pas de preuve tangible, la température joue peut-être un rôle, car les adhésifs tendent à se ramollir avec la chaleur, les rendant donc moins... adhésifs.


2)  Ensuite, il faut veiller à ne pas tirer le ruban de telle sorte que la ligne de décollement soit parallèle aux fibres du bois, mais au contraire le plus perpendiculaire possible:


Importance du sens de décollage

En effet, si la ligne de décollement est parallèle aux fibres, alors, la traction d'arrachage s'exerce sur une seule fibre à la fois, sur toute la longueur de cette ligne, tandis que dans le cas inverse, la traction est répartie sur beaucoup de fibres et chacune n'est sujette à la traction que sur une portion infinitésimale de sa longueur. Certains bois très fibreux sont particulièrement sujets à l'arrachage de fibres lors de ces opérations de retrait de ruban adhésif lorsqu'ils sont encore brut de sciage  ou de ponçage (notamment les ébènes et palissandres...).


Pores vs. crevasses

 Les crevasses sont des accidents superficiels qui je pense surviennent au sciage, ou alors sont naturels dans le bois. Ces crevasses se montrent sous la forme de zones en creux parallèles au fil, sur une longueur d'environ 1 cm et 0.5 ou 1 mm de largeur. Pour ce qui est de la profondeur, c'est plutôt de l'ordre de 0.1 ou 0.2 mm, mais certaines crevasses plus profondes peuvent atteindre toute l'épaisseur de la feuille de placage (0.6 mm) et créer ainsi une lacune au travers de laquelle on voit le jour (cette portion de feuille est alors non facturée, normalement).

Le bouche-porage élimine ou atténue les irrégularités de surface que constituent les pores, mais reste sans effet sur les crevasses, d'étendue et de profondeur trop importantes. Pour les zones crevassées, le mieux est d'utiliser une pâte à bois, préalablement teintée au plus proche puis poncée. Ce n'est qu'une fois cette opération terminée qu'on peut passer au bouche-porage proprement dit. En d'autres termes, avant le bouche-porage, il faut traiter les petits accidents et les crevasses avec une pâte à bois ou un mastic.

La ponce soie

Citons une phrase trouvée sur internet:

Ponce soie : variété de poudre de ponce à granulométrie très faible (fine) permettant le polissage ou est aussi utilisé pour le remplissage des pores lors de l'application d'un vernis au tampon. Le terme "soie" vient du fait que la ponce pulvérisée passe par un tamis de soie (ou équivalent en taille).


Geste technique

Pour bouche-porer, il faut mettre très peu de ponce soie sur le support, en tapotant légèrement une petite poche de tissu qui en contient. Il ne doit pas y avoir de monticules de poudre, mais seulement un petit nuage poudreux ténu à la surface, en quelques endroits.

Matériel bouche-pore: petit sac de ponce soie, alcool à 95°, et 
un morceau de tissu de lin avec un peu de mèche coton à l'intérieur.
Les dépôts de poudre doivent être très légers, sans excès.
Une ponçure brunâtre se forme du fait de l'abrasion, et tombe (premier plan).

Il faut faire un tampon comme celui utilisé pour vernir, mais avec un tissu grossier et très solide, raison pour laquelle le lin -très résistant- est préférable ici. Du coutil de coton grossier (ex: blue-jean) conviendrait peut-être également. Il va falloir humecter le tampon avec de l'alcool, comme on le fait pour du vernis, puis venir frotter par des mouvement circulaires la surface du support préalablement poudrée en appuyant très fort. Le but de l'opération est double (de mon point de vue) : primo, par l'effet abrasif de la poudre de ponce soie, il va se produire une poudre de ponçure du bois,  et par l'effet liant de l'alcool, cette ponçure va former une sorte de mastic-couleur-bois qui du fait de la forte pression exercée sur le tampon, va être plus ou moins forcée de s'insinuer dans chaque pore; secundo, la poudre de ponce soie est un abrasif extrêmement fin (peut-être 2000 ou 4000, on pourrait même parler de polish plutôt que d'abrasif), et le fait de poncer avec le tampon en tissu imprégné de cet abrasif, va lustrer la surface du bois, de telle sorte que l'aspect de surface après le bouche-porage ressemble déjà à celui d'un vernis, avec un poli brillant et lisse.

En ce qui concerne la quantité de ponce soie à saupoudrer, il faut comprendre que le but de l'opération n'est pas de fabriquer une purée que l'on étale sur le support, mais plutôt de transformer le tampon en une sorte de toile émeri juste suffisamment abrasive pour jouer son rôle. Il faut donc mettre le minimum de poudre possible, quitte à en rajouter un peu si l'on sent que le tampon n'est pas vraiment abrasif (bruit pas assez "rêche"). Si on prolonge l'opération, on peut en rajouter en cours de route. Le plus souvent, je ne fais que deux saupoudrages, l'un après l'autre dans la foulée. Certains vernisseurs préconisent un certain délai (1 à 15 jours) entre deux séances de bouche-porage, afin de laisser solidifier ce qui a réussi à rentrer dans les pores à la première séance. Ceci est peut-être valable pour un résultat absolument parfait, mais tout faire le même jour donne déjà un résultat satisfaisant à mes yeux, disons un semi-bouche-porage.  

Il faut donc faire plutôt des cercles en appuyant très fortement le tampon, et en le ré-humectant d'alcool de temps en temps, lorsqu'il devient trop sec.  Globalement, c'est une opération assez fatigante. 
Le tampon s'use assez vite et il faut le changer dès qu'il se retrouve troué. Utiliser un tampon de dimensions un peu larges permet de trouver une autre zone du tissu qui est en en bon état en déplaçant simplement les mèches de coton, sans avoir à changer complètement le tampon dès qu'il est usé à un endroit.

Lorsqu'on considère que les pores sont suffisamment bouchées, il faut éliminer le film  un peu rugueux et rêche qui a pu se former à la surface en certains endroits. Pour cela il faut ne plus ajouter de ponce, et humecter le tampon plus souvent, et aussi appuyer de moins en moins. A la fin, on a un tampon assez humide, et on n'appuie presque plus. La saleté du support se transfère sur le tampon ou tombe sur les côtés.  A la fin de cette opération, on peut utiliser un tampon propre pour faciliter  cette étape de nettoyage.   Il peut être utile de vérifier le résultat à contre-jour en lumière rasante, afin de contrôler qu'il n'y a plus de résidus de ponce agglutinée à la surface. Une fois la surface bien bouche-porée et débarrassée de tous ces résidus de "pâte abrasive", la surface apparaît lustrée, lisse et brillante, un peu comme un vernis.

mardi 17 janvier 2023

Une petite tirelire Napoléon III

Quittons un peu l'époque Art Déco, avec une petite tirelire Napoléon III en placage de loupe de noyer ou d'orme et bois de rose;  le couvercle est décoré avec des filets en laiton et ébène, et avec une inclusion de laiton en son centre. Passablement abîmée, avec des dégâts de surface mais aussi structurels, elle me faisait pitié dans une brocante à Foix. Les côtés sont presque tous décollés, les petites pièces d'angle aussi, et il y a des petits manques de placage. Les parties laitonnées sont en bon état, et détail méritant d'être signalé, la clé était présente. Le démontage de la serrure permet de mettre en évidence une inscription "Breveté SGDG  *  M.L". Du coup, j'ai aussitôt pensé qu'il s'agissait d'une tirelire début ou milieu XXe, mais en fait non, la réglementation du Brevet SGDG (sans garantie du gouvernement) date en fait de 1844, c'est à dire tout à fait compatible avec un objet d'époque Napoléon III.

Façade de la petite serrure



Etat des lieux après un premier nettoyage:

1, 3, 4 : petites pièces d'angle décollées.
2 : pièce manquante laissant voir un des côtés décollés (fente).
                                         

1 : la petite pièce a été recollée à l'envers ! (chanfrein à dr.) 
2 : petite pièce et côté décollé. 
3 : manque de placage loupe de noyer ou orme

Les bronzes sont en bon état.



Il faut d'abord recoller les côtés. L'assemblage n'est pas réalisé par des tenons, mais par simple collage bord à bord, ce qui explique peut-être les nombreux décollements. Certaines petites pièces d'angle arrondies sont aussi décollées ou peu adhérentes. En définitive, je crois les avoir toutes recollées ou presque : à chaque fois que je travaillais dans une zone, la pièce d'angle sonnait creux, et finalement se décollait sans aucun effort. Pour les recoller, le plus simple est de fabriquer une équerre et une contre-équerre, sinon le serrage est problématique (les côtés correspondants doivent avoir été solidement recollés au préalable, étant donné la contrainte en éclatement créée par ce serrage, malgré la présence de la contre-équerre à l'extérieur).


vaste question ...




Ensuite, il faut refaire une nouvelle pièce d'angle pour la petite partie manquante. Il est important de noter que ces pièces ont réalisées dans le travers du bois, c'est à dire que le fil du bois est perpendiculaire à la longueur, ce qui rend les pièces fragiles car elle sont très fines (1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur). Il faut donc utiliser un bois très dense, sous peine sinon de ne jamais parvenir à réaliser le petit profil de ces baguettes. 



N'ayant aucune idée de l'essence utilisée originellement, je choisis un morceau pris sur un arbuste de mon jardin, dont je n'ai jamais réussi à déterminer l'espèce, mais qui est très dur, presque autant que le buis, avec de jolies moirures une fois verni, et dont la teinte dans le coeur est proche de celle des baguettes originelles.

!! Edit : il s'agit de bois d'Alaterne ! (a.k.a nerprun alaterne)


Arbuste du jardin, dont j'ignore le nom, avec un bois très dense; 
à g. échantillon poncé, à dr. brut de fendage.
  

La réalisation de cette baguette est un défi  : 10 mm de large, 1.6 ou 1.7 mm d'épaisseur, profil en quart de rond chanfreiné à l'arrière, avec les arêtes à 45°, le tout dans le bois de travers ! Il y a intérêt à procéder très soigneusement si l'on veut que le résultat soit satisfaisant. Après réflexion, la meilleure méthode, me semble-t-il, est la suivante : d'abord dégrossir au mieux mais un peu largement (profil rectangulaire 12 mm x 2 mm) puis réaliser trois petits tronçons de 20 mm. Ces trois tronçons seront collés fortement et bien alignés, sur un tasseau de sapin d'une longueur d'environ 15 cm, à une certaine distance les uns des autres.  C'est le petit tronçon du centre, le plus précis, qui sera utilisé à la fin. Une fois ceci réalisé, continuer l'approche du profil à la lime à métaux en procédant délicatement, jusqu'à obtenir un profil rectangulaire ou légèrement arrondi, pratiquement à la bonne côte (10.5 mm x 1.8 mm). A ce stade de précision, les mesures doivent se faire au pied à coulisse. Le profil final est ensuite obtenu par ponçage, l'intérêt d'avoir trois petits tronçons espacés est que la matière à retirer par ponçage est minime, mais que la précision du ponçage est tout de même grande car la pièce à poncer repose sur une base de longueur  importante (15 cm). Il est crucial que la feuille de ponçage (ici grain 180) soit collée sur une planche, car si elle est laissée libre, l'effort du ponçage produit toujours un bourrelet (imperceptible) du papier de verre devant le bord d'attaque de la pièce poncée, et produit un profil peu précis, au niveau de ces bords d'attaque.

Imprécision du résultat au niveau des bords d'attaque si le papier de verre n'est pas collé



Pour assurer que les arêtes latérales soient bien à 45 °, le plus simple est de réaliser un guide à cet angle. Ensuite, il n'y a plus qu'à amener le profil en douceur  jusqu'aux dimensions finales en ponçant longitudinalement sans oublier de changer le tasseau de sens périodiquement afin de compenser les différences d'appui naturelles de la main.

Papier de verre collé, et équerre de guidage pour les arêtes.

Le profil terminé, il ne reste plus qu'à décoller les morceaux.

!! THE PIECE !!



Après recollage de la pièce manquante, et remplissage des petits accidents avec de la pâte à bois, l'ensemble peut être poncé une dernière fois avant l'application du vernis gomme laque au tampon. 
Une fois de plus, il apparaît clair qu'un bouche-porage ancien bien réalisé n'est jamais retiré par le dévernissage et par le reponçage léger. Pour ces restaurations, il suffit donc d'appliquer le vernis,  sans avoir à reprendre le bouche-porage. 

Concernant le rebouchage des petits accidents avec de la pâte à bois, plusieurs remarques : primo, lla teinte de la pâte après ponçage est souvent très décevante (beaucoup trop blanche en général). Le teintage de la pâte dans la masse est souvent peu convaincant (pour une pâte à l'alcool ou à l'acétone, utiliser une teinte à l'alcool, pour une pâte à l'eau, une teinte à l'eau), et ne résout pas vraiment le problème, et ajoute le problème supplémentaire d'une pâte qui devient trop diluée, trop fluide et donc sujette à encore davantage de retrait au séchage. Il faut donc se résoudre à des retouches successives de couleur sur la zone réparée. Le mot "successif" est utilisé à dessein, car la teinte de la pâte poncée étant très éloignée de la teinte cible, il faudra en général plusieurs couches de retouche pour parvenir à un résultat satisfaisant.

Pour ces petits objets, il convient d'utiliser un tampon de petite dimension (taille d'une noisette), et de vernir plusieurs objets à la fois (dans le cas présent, une boîte à cigares mid-century). En effet il est essentiel que le vernis puisse "prendre" légèrement durant une ou deux minutes entre deux passages successifs du tampon. Il faut absolument éviter d'être trop "gourmand" et vouloir repasser deux fois de suite sur une zone donnée dans un intervalle trop rapproché : c'est la garantie de l'échec, c'est à dire d'un vernis qui accroche et devient rugueux, de façon difficilement récupérable et psychologiquement éprouvante car normalement chaque séance de vernissage doit toujours nous faire approcher du brillant final, et non régresser vers le mat initial de la première tamponnée de charge. Une séance de vernissage pour de tels petits objets est donc très courte, une dizaine ou une vingtaine de minutes tout au plus, pour deux objets, avec un repos de 24 h ou mieux 48 h entre deux séances. Pour les deux objets, on veille à vernir en respectant un cycle immuable dans l'ordre des faces (ex les côtés de l'objet A en partant de la façade, les côtés de B idem, le dessus de A, le dessus de B, etc.), ceci afin de maximiser le temps de séchage entre deux passages du tampon sur une même zone.  Si, par fantaisie, on ne souhaite pas respecter ce cycle, on peut aussi patienter un peu entre deux tamponnées, mais alors le tampon inactif sèche à l'air libre, ce qui n'est pas très bon (et cela fait perdre du temps). Le mieux est donc d'essayer de se tenir à cette "discipline", tout de même pas très contraignante. 

C'est toujours le vernis nous indique qu'il est temps d'arrêter la séance : chaque nouvelle charge devient laborieuse, le tampon se met à glisser de moins en moins bien à chaque nouvelle tamponnée (à chaque nouvelle recharge du tampon en gomme laque). Quand on arrive vers la fin de la séance, c'est alors qu'il convient d'être le plus intransigeant sur l'épuisement du tampon: il faut absolument continuer à glisser le tampon qui devient presque sec mais pas tout à fait (on peut le remplir très légèrement d'alcool pur s'il devient trop sec, afin qu'il se remette à "travailler" davantage,  mais alors les premières trajectoires doivent être très rapides pour éviter tout risque de "labour").  Répétons-le, c'est le glissement inlassable du tampon de plus en plus sec qui provoque le "lustrage" qui va faire que cette séance nous approche un peu plus du brillant final par rapport à la séance précédente.  Au passage, on note que plus le tampon sèche, plus on peut se permettre d'appuyer (légèrement) plus fort, et plus le mouvement doit devenir lent. L'objectif est de garder une glisse "lisse" et "silencieuse". Un tampon qui lustre correctement glisse avec certes une résistance, un freinage, mais sans rugosité, et cela s'entend à la qualité du "silence" de la glisse.



La restauration de ce petit objet m'a permis de me familiariser avec les techniques de base (colle d'os, découpes fines), formation utile pour un projet plus important qui me tient à coeur depuis un certain temps, et que je ne voudrais pas louper: la restauration complète d'un grand miroir Art Déco avec un bas-relief en plâtre au-dessus (plutôt un trumeau donc)


Etat final

Face avant




Côté et arrière



Intérieur